Comédie de Marivaux, mise en scène de Marion Bierry, avec Bernard Menez, Valérie Vogt, Marion Bierry (en alternance Marie Réache, Gilles Vincent Kapps, Estelle Andrea et Sinan Bertrand.
Pièce peu jouée de Marivaux, "Le Legs" ne se veut pas un chef d'oeuvre de construction théâtrale.
Les enjeux amoureux y sont dévoilés en quelques tirades et l'on sait d'avance comment tout cela s'achèvera : les trois couples désirant se former, et empêcher de le faire immédiatement par une histoire d'héritage qui embrouille les choses, finiront par y arriver.
Mais c'est justement la relative banalité de l'argument du "Legs" qui en dessine la modernité : dans cette pièce, le marivaudage tient de l'exercice de style. Tout ici n'est que mots et c'est par les mots que les maux sont résolus pour qu'à la fin tout finisse bien.
Pour ne pas faire de cette mécanique un pur bavardage abstrait, et lui donner son bon ton de comédie, Marion Bierry a eu l'idée d'entrecouper le texte de Marivaux par des petits poèmes de Ronsard chantés ou chantonnés agréablement sur des airs divers allant de "La truite" de Schubert à "Lily Marlène".
Quand on a vu ce que Marivaux pouvait subir ailleurs, on ne s'offusquera pas de cet ajout qui ne dénature pas les intentions de l'auteur des "Fausses confidences". Au contraire, il contribue à rythmer la partition des six comédiens, tous au diapason de la prose de Marivaux, tous unis pour la rendre claire et en révéler les beautés.
En tête de la troupe, Bernard Menez joue le Marquis tout en timidité et en subtilité pour concilier ses intérêts et ses amours. Valérie Vogt lui donne la réplique avec le bel appétit d'une franche nature.
Estelle Andrea et Siran Bertrand jouent Lisette et Lépine, les domestiques, avec l'aplomb qu'aimait leur donner Marivaux.
Gilles Vincent Kapps, le chevalier, par ailleurs auteur des arrangements musicaux, et Marie Réache, Hortense, complètent avantageusement cette belle distribution qui sait faire partager au spectateur son plaisir de porter la parole de Marivaux.
Bien éclairée par André Diot, dans un décor simple et efficace de Nicolas Sire, cette version ni poussiéreuse ni faussement moderne du "Legs", mise en musique par Marion Bierry, devrait recueillir les suffrages de tous les amateurs des grands auteurs classiques français. |