Réalisé par Robin Campillo. France. Drame. 2h08. (Sortie 2 avril 2014). Avec Olivier Rabourdin, Kirill Emelyanov, Daniil Vorobjev et Edea Darcque.
Malgré un titre en anglais, qui a le désavantage de ne rien dire d'implicite sur son sujet, "Eastern Boys" est un film français qui a le mérite d'oser plus que ces compatriotes.
En effet, Robin Campillo, qu'on connaît surtout pour ses collaborations avec Laurent Cantet ("L'Emploi du temps", "Entre les murs") traite de l'homosexualité sous un angle peu abordé, celui d'un adulte se payant un "giton". Daniel, quadrégénaire aisé, découvre à la Gare du Nord une bande de "garçons sauvages" d'origine russe et est attiré par Marek.
S'en suit une histoire intense, où Campillo sait faire oublier le côté peu sympathique - et moralement réprouvable - de la rencontre d'un adolescent peut-être encore mineur et de son client qui pourrait être son père. Et pour cela, le film vire au thriller. On y découvre principalement un hôtel de la périphérie où sont logés les réfugiés en attente de régularisation.
Là aussi, Campillo joue avec le feu "idéologique" puisqu'il décrit le fonctionnement de cette petite bande qui s'adonne, entre autres, à des cambriolages alors qu'ils sont si bien "accueillis" par la République française. Chose aggravante, Boss, le chef auto-proclamé du groupe, s'en prend à la jeune gérante noire de l'Hôtel.
Heureusement, les spectateurs ciblés par "Eastern Boys" et ceux qui le verront peut-être un jour à la télévision sont à chercher dans un sous-ensemble qui n'aura pas cette lecture et analyseront tout cela comme une résultante du désordre économique et social qui règne en Europe.
Pour créer un climat étrange, presque onirique, qui contredit la trivialité du début du film, Campillo se sert de la musique électronique d'Arnaud Rebotini, notamment dans la "fête" imposée à Olivier Rabourdin par ses inattendus visiteurs.
On suppose aussi que les jeunes garçons sont sous l'emprise de substances qui les conditionnent dans un état second, de presque irréalité. D'où la force des scènes finales dans lesquelles le réel revient sous forme policière. Finie la fraternité sectaire de ces garçons sauvages alors que ressurgit leur tragique destin.
Campillo s'appuie sur des acteurs formidables, notamment Daniil Vorobjev qui joue Boss. Tour à tour glaçant et perdu, il a tout d'un Klaus Kinski en devenir. Le couple Olivier Rabourdin-Kiriil Emelyanov se crédibilise par petites touches sensibles et fait sauter le gros préjugé qui prélude à sa formation.
"Eastern Boys" de Robin Campillo laissera le souvenir d'un film réussi qui traite de sujets sérieux, voire scabreux, avec l'aplomb d'une série B américaine, ce qui n'est pas un mince compliment. |