Seul en scène de Serge Maggiani.
Quel est le point commun entre Dante Alighieri, florentin du 18ème siècle, poète et homme politique, auteur notamment de "La Divine Comédie", l'actrice Silvana Mangano, le pain toscan appelé le choco, l'écrivain, poète, journaliste, scénariste et réalisateur Pier Paolo Pasolini et le romancier Marcel Proust ?
L'Italie, bien sûr, mais pour "Nous n'irons pas ce soir au paradis" c'est surtout Serge Maggiani. "Textes de Dante Alighieri, commentaires de Serge Maggiani" : ainsi se présente ce singulier seul en scène, spectacle sur lequel Serge Maggiani lui-même s'interroge indiquant que "c'est un moment" qui peut se concevoir comme "une didascalie de la vie du poète".
Passeur et messager, le comédien, qui par essence est "un fantôme qui revient et raconte", raconte donc "L'Enfer" de Dante, dont il livre des extraits, qui constitue une des étapes d'un voyage initiatique et d'une quête métaphysique et mystique.
Mais, avec une érudition qui ne se complait pas dans l'ostentation, il le fait de manière toute personnelle en l'émaillant d'anecdotes, de digressions qui, à la réflexion, ne sont qu'apparentes, et de souvenirs intimes liés à ce qu'il nomme "sa part d'enfance" de fils d'immigré italien et qui est dans l'Italie et sa langue.
Pour Serge Maggiani, être italien c'est être amoureux de Silvana Mangano et croire que Dante a été en enfer et en est revenu. Comment ne pas être amoureux de Silvana Mangono qui apparait en fond de scène dans un extrait du film "Anna" de Alberto Lattuada où elle danse une torride samba sur la chanson "El negro zumbon" ?
Et, nourri au lait de Dante, atavisme italien, il croit que Dante est revenu de l'enfer et raconte en inventant un présent narratif mnésique et le narrateur comme objet du récit qui appelle de sa part un parallèle avec "A la recherche du temps perdu" de Marcel Proust mais également avec "l'acteur qui est toujours un fantôme qui revient et raconte".
Alors il est question des trois femmes de Dante, la Vierge, Sainte Lucie, des trois animaux féroces de l'enfer que sont la lonce, le lion et la louve, et d'ésotérisme avec le chiffre 10 qui se rapporte à la perfection dans l'ordre divin, perfection qui rythme l'oeuvre et ordonne la perfection de sa construction.
Des lucioles également, celles des belles nuits d'été, à la faible lueur desquelles Dante oppose la lumière resplendissante du paradis et qui seront au coeur métaphorique d'un des derniers textes politiques de Pier Paolo Pasolini.
Oui, c'est un moment, un beau moment. |