Création collective de Lucrèce Carmignac, Sandrine Brotteville, Amaury de Crayencour, Aimé Vandelattre, Sol Espeche, Paloma Camerini, Valentine Gérard, Suzy Vandelattre, Jade Herbulot, Maxime N’Golo, Alexis Lameda-Waksmann, Jesus Mendoza, Antonin Meyer, Jön Bricard, Thomas Poitevin, Pierre-Jean "P.J" Batay, Benjamin Tholozan et Christophe Paquette.
La troupe de danse contemporaine emmenée par le fameux chorégraphe Jön Bricard traverse une crise. Alors que la nouvelle création chorégraphique autour des improvisations des danseurs est en pleine répétition, l'argent vient à manquer, rendant les derniers ajustements compliqués.
En effet, comment travailler lorsque l'électricité de la salle de répétition est coupée et que le plateau se retrouve plongé dans le noir ? Une solution apparaît, se tourner vers le sponsoring. Mais les membres de la troupe se rendent vite compte qu'ils vont devoir répondre aux exigences de leur nouveau producteur, un chef d'entreprise canadien spécialisé dans la transformation de viande porcine.
"Le laboratoire chorégraphique de rupture contemporaine des gens" utilise, avec bonheur et gourmandise, le registre grotesque et caricatural pour souligner les difficultés à laquelle les troupes sont confrontées lors de la création des spectacles : problèmes d'égos, difficultés financières, doutes sur les choix artistiques, et par-delà tous ces aspects, les pressions extérieures au projet.
Dans cette pièce de théâtre chorégraphiée et traversée d'improvisations, écrite de manière collective par les acteurs de la Compagnie M42, chacun d'eux s'est inventé un personnage à la personnalité bien marquée, d'abord dans sa gestuelle, mais aussi dans son "traumatisme".
A cet égard, les monologues écrits par Thomas Poitevin font mouche. La succession d'interventions devant le micro par les danseurs pour raconter leur parcours artistique offre de beaux moments de rire.
Autour du thème de la danse, on saluera l'utilisation intelligente du plateau lors des scènes de répétition. En plus d'animer la scène, les longues diagonales ou horizontales montrent de manière évidente l'opposition entre la troupe et le producteur.
Parmi les acteurs, on soulignera la prestation de Valentine Gérard, dans le rôle de Suzy. Danseuse formée au Conservatoire Royal de Liège, son personnage donne une crédibilité à l'ensemble de cette troupe de danse, dont la plupart des membres ne disposent pourtant que d'un vocabulaire chorégraphique limité.
Bien que l'ensemble soit divertissant, on peut se demander néanmoins à quelle fin le comique est utilisé dans cette pièce. En effet, le personnage de Jön Bricard, interprété avec une délectation visible par Antonin Meyer, sorte de gourou chorégraphe, volontiers odieux avec ses danseurs, et peu avare d'explications vides et ampoulées, tend à moquer d'une certaine tendance de la création contemporaine.
On se souvient qu'il y a quelques années le Théâtre de la Ville, à Paris, avait lancé l'idée de proposer dans son programme annuel certaines chorégraphies sous la dénomination "inclassable" et non plus dans le registre "danse".
D'ailleurs, les amateurs de danse contemporaine savent bien qu'ils ont parfois affaire à des propositions absolument hermétiques de la part de certains chorégraphes, des pièces qui ne pourraient souvent pas voir le jour sans financement public. En choisissant de se moquer de ce type de spectacle, la caricature du sponsor privé qui exige que le nom de son entreprise apparaisse durant tout le spectacle en fond de scène ne perd-il pas de sa force de dénonciation ?
On retiendra donc d'abord les aspects comiques, chahuteurs et irrévérencieux de ce "laboratoire chorégraphique de rupture contemporaine des gens" qui, déjà par son titre, se moque d'un certain théâtre pompeux et maniéré. |