Comédie dramatique de Yoann Thommerel, mise en scène de Marie-Christine Soma et Daniel Jeanneteau, avec Jean-Charles Clichet, Edith Proust, Pascal Rénéric et François Tizon.
Tohu-bohu référentiel, bric-à-brac idéologique, foutoir théâtral, "Trafic" va cliver et l’on emploie à dessein ce mot puisque le travail littéraire de Yoann Thommerel, vu, revu et corrigé par Marie-Christine Soma et Daniel Jeanneteau, s’appuie sur les tics et les tocs de l’époque.
Il y aura donc les irascibles du premier degré qui prétendront que montrer la vulgarité ce n’est ni la démonter ni la démontrer, mais s’y vautrer. Il y aura aussi les aficionados du second degré perpétuel, formés par Canal Plus et Bart Simpson, qui liront "Trafic" comme une charge efficace contre le modèle néo-libéral dominant, ses paquets de chips et ses rêves de pacotille.
Dans "Trafic", deux hommes sont en rade à la porte d’un garage où repose un… Trafic. Ce qui en termes de carte grise veut dire une camionnette Renault, improprement appelée "camion" par les deux protagonistes de la pièce, Fanch et Midch, qui ignorent qu'une camionnette sur une scène c'est déjà beaucoup...
Quelque part, dans un opuscule, quelqu’un compare les deux zozos précités à Vladimir et Estragon, à des Laurel et Hardy du web. Il faut peut-être raison garder : ces deux incapables de partir ne sont pas des clochards célestes.
Si l’on veut jouer au jeu vain des comparaisons, on dira que Fanch, joué par un Jean-Charles Clichet barbu en sweat, ressemble à Vincent Macaigne dans la cascade de films qu’il a tournés en 2013. Quant à Midch, Pascal Rénéric en ferait plutôt un néo Jean Dujardin dans "Brice de Nice", notamment dans la scène où nos deux moins que pas grand-chose s’essaient à la gymnastique et font du "Pilates", sans doute par ignorance de la "Zumba".
Dans ce fourbi scénique où l’on joue au ping-pong comme dans une agence de pub, cette auberge espagnole où le café-théâtre voisine avec l’interprétation convaincue de fiches "wikipedia" sur les héros perdus du rock, on pourra éventuellement lire le mal-être d’une génération perdue dans l’usage peu raisonnable des drogues et la consommation encore moins raisonnable de feuilletons télé.
On s’amusera - ou pas - des trouvailles de langage et l’on sera fier de pouvoir écrire que "Trafic" substitue à la figure moderne de la fellation comme Graal de tous les frustrés celle postmoderne du cunnilingus.
Yoann Thommerel et ses acolytes divers et variés, notamment les vidéastes Étienne Boguet et Julien Amigues, ont certainement élu comme film culte "The Big Lebowski", le plus affligeant des films des frères Coen et pour eux, dans ce cas, "affligeant" n’est pas un adjectif péjoratif. Ils aiment les romans de Robert Schekley, même s’ils ne connaissent pas son nom et pire encore ne l’ont jamais lu.
Ce sont, au fond, de braves garçons et de gentilles filles. Quand ils parlent de terrorisme, et surtout quand ils en font parler à la "rigolote" Edith Proust, jolie troisième larronne de "Trafic" ils ne savent pas forcément ce qu’ils disent…ou si…
Car, on pourrait parler longtemps de "Trafic" : on ne réconciliera pas ceux qui détesteront et ceux qui adoreront. Et l’on ne parlera pas des schizophrènes et des bipolaires. |