Réalisé par Audrey Dana. France. Comédie. 1h56 (Sortie le 4 juin 2014). Avec
Audrey Dana, Laetitia Casta, Isabelle Adjani, Vanessa Paradis, Audrey Floriot, Marina Hands, Sylvie Testud, Alice Belaïdi, Julie Ferrier, Géraldine Nakache et Alice Taglioni.
Le théâtre avait "Les monologues du vagin", le cinéma maintenant a "Sous les jupes des filles".
Dans les deux cas, on se demandera si cette plongée dans la sexualité féminine - curieusement plus puritaine sur l’écran que sur la scène - fait vraiment progresser la cause des femmes ou si elle ne permet pas, mine de rien, de mieux justifier la société phallocratique.
À première vue, ce film fait par une femme donne les beaux rôles aux femmes et renverse la routine cinématographique en affectant les hommes aux rôles de potiches ordinairement dévolus à leurs compagnes.
En y regardant de plus près, la loi habituelle reprend très vite le dessus : "la femme est faite pour l’homme comme le pommier la pomme" comme le chantait jadis Arletty. Après la révolte, il n’y a pas de révolution : la femme - la vraie, celle qui porte l’anneau sanctifiant son union - revient au foyer, redevient mère et épouse, alors que celles qui ont trop pêché reçoivent leurs justes récompenses : la ménopause ou le cancer du sein…
Comédie un peu lourde dans laquelle on entendra les gargouillis ventraux de Laetitia Casta, et même un intempestif et retentissant pet provenant également du fondement de l’ancien mannequin, "Sous les jupes des filles" n’est pas un film très qui joue librement avec le sexe. L’usage qui y est fait d’un vibromasseur de taille appréciable est très décevant d’un strict point de vue de cinéphile.
Audrey Dana est sans doute trop novice derrière la caméra pour oser franchir les limites du bon goût à la manière d’un Judd Apatow. Si le mot "règles" revient souvent dans la conversation, le phénomène menstruel ne débouche sur aucun gag et ne déclenche aucun quiproquo.
Une fois passée la déception de ne pas être devant une comédie frontale capable d’un rire gaillard et réjouissant pour parler avec appétit de sexe, on se consolera assez vite en appréciant cette belle ribambelle d’actrices. Rarement, par exemple, on a vu Isabelle Adjani s’accepter autant devant la caméra, au point de se moquer d’elle-même… et de parvenir à faire rire.
Si Audrey Dana ne va pas jusqu’au bout de ses personnages, elle sait bien les dessiner et elle réussit, ce qui n’est pas si fréquent dans le film dit "choral", à donner à chacune (et même à chacun) un vrai rôle au-delà des stéréotypes que l’on craignait de voir s’accumuler.
Au bout du compte, et c’est un compliment, "Sous les jupes des filles" d’Audrey Dana a quelque chose de "lelouchien". Du bon Lelouch où l’on sent une vraie camaraderie entre toutes ses comédiennes qui représentent deux ou trois générations et qui finissent dans une unanimité qui fait plaisir.
Si elle n’est pas allée jusqu’au bout de son sujet, et qu’elle manque parfois de subtilité au point qu’on pourrait croire qu’elle justifie finalement le déséquilibre actuel dans la "lutte des sexes", Audrey Dana livre une comédie pleine de vie qui ne donne jamais l’impression d’être un dialogue filmé. On appréciera la manière prometteuse qu’elle a de gérer les déplacements de ses nombreux personnages, de les inscrire avec discrétion dans un Paris jamais cliché.
"Sous les jupes des filles" d’Audrey Dana mérite mieux que de l’indulgence. On n’y hurle pas de rire, mais on y prend du plaisir, nonobstant quelques moments à vite oublier. |