Spectacle conçu et mise en scène par Frédéric Jessua, interprété par Frédéric Jessua et Maryne Lanaro.
Juxtaposition hétéroclite de saynètes et de lectures, "Wake-up" pourrait se voir reprocher son minimalisme sûr de lui consistant à montrer ou dire de petites choses comme s’il s’agissait de grandes vérités.
On pourrait aussi s’irriter de son docte recours à des textes didactiques - sortis du Codex ou de Wikipedia - qui ne souffre aucune critique tant sur le fond que sur la forme, de son "préchi-précha" sur la différence sexuelle dont on ne peut rien contester si l’on ne veut pas passer pour un affreux hétérosexuel homophobe et raciste.
Pourtant cette mise en espace de l’histoire singulière des frères Wachowski intrigue plus qu’elle n’irrite.
On accepte ainsi d’emblée que les exercices de "gymnastique" de Maryne Lanaro aient à voir avec une chorégraphie. Les personnages qu’elle joue, tous asexués ou désexués, rappelleront aux plus âgés les ludions publicitaires créés par Jean-Paul Goude et peuplant les clips de Jean-Baptiste Mondino. S’agitant naïvement, prenant des poses mécaniques, mignons mi-hommes mi-femmes, ils servent à illustrer le discours LGBT de "Wake-up".
Fulgurances gracieuses, et jamais graveleuses, ils s’opposent aux moments d’extrême trivialité, ceux où, par exemple, un tronc de mannequin est censé être découpé par une scie sauteuse pour illustrer le récit de l’opération de changement de sexe subi par Larry Wachowski. Car Larry est devenu Lana et cette intervention chirurgicale sur la "matrice" éclaire forcément l’œuvre la plus célèbre des frères-sœurs Wachowski : ^Matrix".
On conseillera d’ailleurs aux spectateurs de jeter un coup d’œil à la pièce maîtresse des Wachowksi avant de venir, car quelques tableaux, et notamment le final, évoquent la trilogie "Matrix".
>Ceux qui la considèrent comme une grande date dans la culture populaire postmoderne devraient apprécier le travail de Frédéric Jessua dont les compositions scéniques ne sont pas sans rappeler l’univers sophistiqué de "Matrix". Ceux qui ne voient dans les films des frères Wachowksi qu’un fatras débile et prétentieux recyclant l’univers bédé et SF devraient, au contraire, se désespérer que Frédéric Jessua les ait pris très au sérieux.
Reste que tout le monde se réconciliera dans la scène où, une perruque sur la tête, Jessua incarne Lana quand elle n’est plus Larry et qu’elle reçoit dans une cérémonie de la communauté LGBT un "oscar de la visibilité".
S’il est une raison d’aimer "Wake-up", et de l’applaudir sans réticences, en oubliant toutes les scories qu’on s’apprêtait à lui reprocher, c’est ce discours de Lana-Larry, d’autant plus fort et touchant juste que les frères Wachowski sont des "taiseux" absolus, les seuls réalisateurs à n’avoir jamais voulu accorder d’interviews ni se faire voir dans les médias.
En félicitant Frédéric Jessua pour avoir exhumer ce texte, on attendra maintenant que Lana et Andy deviennent le premier duo frère-sœur à faire un film. |