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Géraldine Maillet  (Editions Grasset)  mai 2014

Hollywood, usine à mythes et légendes, machine à fantasmes pour les foules, boîte de Panodre pour les belles filles de l'Amérique profonde qui veulent troquer l'anonymat et la médiocrité du quotidien de la vraie vie pour la gloire et la richesse de la fiction.

Nom magique qui ne cesse d'inspirer les écrivains, qu'il s'agisse des turpitudes de son univers impitoyable qui broie les corps, les coeurs et les âmes ou de la mort violente des actrices iconiques.

Natalie Wood n'avait pas choisi venir s'y brûler les ailes. Elle a été plongée et maintenue dans cet enfer de strass et de paillettes dès la petite enfance par une poigne de fer, le pire des négriers, sa mère, émigrée russe qui, à défaut de devenir une star du Bolchoï, voulait se réaliser par procuration en étant "la matrice d'une étoile made in USA".

Entre 4 et 16 ans, elle tournera dans plus d'une vingtaine de films et ensuite, cette jolie petite brune maigrelette va entrer dans la cour des grandes. Avec un quarté gagnant de films tournés entre 1955 et 1961, depuis devenus culte, ("La fureur de vivre", "La prisonnière du désert", "La fièvre dans le sang" et "West side story"), elle fait des débuts prometteurs propres à damer le pion aux sex-symbols blondes peroxydées à forte poitrine qui tiennent le haut du podium.

Mais il marque son acmé cinématographique. Si elle accède à la notoriété, elle ne parvient pas à la reconnaissance suprême de ses pairs, jamais oscarisée, même pas pour "West side story" le film aux 11 oscars, deux fois lauréates des Golden Globes pour lesquels elle est souvent nominée mais reste tout aussi souvent dans la salle.

Sacrée à 19 ans l'actrice débutante la plus prometteuse, à 42 ans elle est reconnue comme meilleure actrice mais dans une série télévisée. Sa carrière patine puis décline même si elle continue de tourner régulièrement jusqu'en 1981, année de sa mort. Une mort par noyade à quelques encablures du yacht le bien nommé "Splendour" sur lequel elle séjournait avec son mari l'acteur Robert Wagner et Christpher Walken, son partenaire du film en cours de tournage.

L'enquête officielle a conclu à la noyade accidentelle mais rumeurs et suspicions courent toujours sur le décès des personnes publiques. Réouverte en 2011, l'enquête a procédé à une requalification en "noyade et autres facteurs indéterminés" autorisant toutes les extrapolations.

Dans "Splendour" publié dans la collection "Ceci n'est pas un fait divers" des Editions Grasset, Géraldine Maillet, romancière et réalisatrice, explore ce destin par la voie de la fiction en retenant un angle intéressant tant au plan de la composition que de l'écriture.

En effet, écartant tant l'investigation documentaire que le biopic frontal auquel elle préfère l'approche pointilliste, s'affranchissant de la linéarité chronologique et de l'enchainement logique des faits et usant du mode autodiégétique, elle opte pour une composition séquentielle du flash-back mnésique, empruntant au processus de mort imminente qui permet donc des incursions rétrospectives, et la syncopée du flux de pensée.

Se plaçant au moment de la mort de l'actrice, elle a délimité un espace-temps très court de trois heures composé de deux brèves plages horaires séparées par un blanc correspondant à l'incertitude sur la causalité de la mort - accident, suicide, homicide - qui lui permet d'esquisser, dans une cinétique combinatoire alternée, un portrait sous une double focale, portrait in situ et autoportrait dans un état de conscience exacerbé qui serait celui du moi en danger de mort.

Ce procédé habile lui permet d'une part, d'imaginer ce que fut la dernière soirée de Natalie Wood et ses trois amants, Robert Wagner, Christopher Walken et le capitaine du bateau, tous passablement alcoolisés, qui recelait peut-être l'élément déclencheur du drame à venir, et d'autre part, par la voie (et voix) du monologue intérieur, de livrer une introspection sous apnée aussi lucide que douloureuse imbriquée avec les dernières fulgurances de la personne qui se noie.

Sous la plume de Géraldine Maillet, Natalie Wood est "une énigme brune, une écorchure cynégétique, une mélancolie en fourreau d'organza, quelques citations et coupures de presse, une erreur d'aiguillage".

Quasiment née dans les studios, elle ne vit que sous l'oeil de la caméra et dans le "tuyau-de-poêle" microcosme hollywoodien où les âmes perdues vivent les unes sur les autres comme des moules de boulot dans cette cour aux mirages où, sous l'éternel été des sunlights, coulent à flots l'argent et le champagne.

Elle ne connaît qu'un mode de fonctionnement, celui de la séduction, pour devenir cet objet du désir de l'autre qu'est l'acteur pour qui la scène ou le plateau est la vie ("Je puisais ma vitalité dans le jeu de la séduction").

Et elle agit en bon petit soldat, prête à toutes les concessions ("J'ai toujours plu aux antiquités. C'était mon principal atout. De plaire aux vieux metteurs en scène et d'être conciliante") ce qui ne suffira pas à la préserver du déclin.

Car après les promesses d'un avenir radieux liées à sa beauté ("Belle à devenir la tête de gondole de ma génération") présentée comme un sésame absolu ("Belle à se plonger dans l'euphorie perpétuelle, à oublier le calvaire de la vieillesse"), le temps a fait son oeuvre ("Aujourd'hui tu cachetonnes dans des nanars sans cinéma"). Comme son mari à la carrière miroir, le beau gosse sur pellicule des années 1950 devenu l'empâté Jonathan du feuilleton "L'amour du risque".

Entre deux films, c'est le vide qu'elle comble par une frénésie sexuelle irrépressible ("Pas une journée sans avoir la bouche occupée et le lit pour moi toute seule" - "J'ai vécu pour ça. Sans répit. Je devais voir dans le regard de chacun du désir pour pouvoir respirer") doublée d'une bravade féministe ("...avoir tout fait pour m'immiscer dans leur cv de baiseur... être aussi burnée qu'eux"). Jusqu'à se brûler le coeur en aimant celui qui a une sexualité encore plus débridée que la sienne.

A la quarantaine, c'est une femme usée par les addictions ("Qu'on me donne de l'alcool, du foutre et des médocs. Je veux être raccord avec ma nature profonde") qui est arrivée au point de non retour, ça passe ou ça casse ("Ma vie. Une arnaque, une ronde diabolique, une suffocation progressive"), une vie ratée à cause d'une erreur de casting ("...je ne suis pas dans la bonne vie, que le casting pour ma réalité est raté").

Sans verser dans la psychologie de bazar, Géraldine Maillet réussit l'exercice de se pencher sur les fêlures de cette vedette hollywoodienne qui n'a pas réussi à devenir un mythe, son but avoué, lot de consolation pour celle qui s'est noyée dans sa vie avant de se noyer dans la mer, a cru que la vie était un film, s'est dissoute dans les personnages qui l'ont phagocytée sans pitié et qui, "fascinée par le pire", s'est abîmée en poussant toujours plus loin les curseurs de l'autodestruction.

Et puis, elle a une plume charnelle, organique et pulsative dont le rythme s'avère particulièrement adapté en l'espèce, notamment pour cette immersion en eaux mortelles.

 

A lire sur Froggy's Delight :
La chronique de "J'ai vécu de vous attendre" du même auteur

En savoir plus :
Le Facebook de Géraldine Maillet


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