Spectacle conçu et mis en scène par Jungnam Lee, avec Miran Sim, Youngmi Cho, Sujeong Lee, Changgi Hwang, Moonsoo Bae, Sangho Kim et Jaewook Jung.
Avec "Binari-Souvenirs de la mère", c'est un voyage très loin dans le temps et l'espace qui est proposé au spectateur curieux et assoiffé d'ailleurs.
Jungnam Lee connaît très bien le théâtre traditionnel de son pays, la Corée. En s'appuyant sur un récit simple et beau, celui du passage difficile d'une âme du monde des humains à celui des esprits, il fait renaître sur scène toutes les formes qui donnent sa richesse à l'art scénique coréen.
Poésie, musique, danse s'allient avec grâce et harmonie pour plonger dans l'essence de cette civilisation extrême-orientale moins connue que ses homologues nipponne et chinoise, mais qui ne leur doit rien même si le béotien occidental pourra y voir des correspondances formelles.
En une heure, "Binari" fait comprendre toute la force expressive coréenne dans un spectacle qui sait dépasser l'ascétisme d'un récit sur la transmigration des âmes reposant sur la tradition chamanique. Pas besoin de saisir le sens exact des les mots scandés pour ressentir l'émotion qui étreint les personnages, parfois masqués, parfois bondissants, parfois hiératiques.
Au rythme du janggo, tambour traditionnel dit "tambour-sablier", les corps peuvent déchirer délicatement des draps blancs sur lesquels se meut un bateau en papier plié, symbole d'une vie qui coule et qui s'achève inexorablement, sans autre drame que la difficulté presque "schoperhauerienne" à quitter le monde de la forme humaine. Car mourir, cela peut être joyeux si l'on célèbre un passage et pas un drame.
Dans "Binari", il y aura donc alternativement des plaintes qui déchirent les cœurs et des rires qui réchauffent les âmes en partance. Spectacle d'une grande richesse de sens, "Binari" est conçu dans un écrin esthétique qui n'accumule aucun détail gratuit. La beauté surgit d'une voix comme d'un vêtement.
On le répètera : il suffit d'avoir le don de curiosité pour profiter de ce spectacle venant du bout du monde et s'imprégner de sa si délicate sérénité. Cet été, les spectateurs du "Off" à Avignon pourront, à leur tour, en faire l'enrichissante expérience. |