Comédie dramatique écrite et interprétée par Daria Deflorian et Antonio Tagliarini à partir d'un reportage de Mariusz Szczygiel.
Quand on ne connaît pas les spectacles de Daria Deflorian et d'Antonio Tagliarini, on est saisi d'entrée par la ferveur, la connivence, les rires immédiats provenant de ceux qui sont déjà des familiers de leur univers.
Le novice perçoit tout de suite qu'il est bonne compagnie avec ses deux acteurs aux voix franches, assurées, agréables, pleines de bienveillance. Les premiers mots qu'il entend lui paraissent trop anodins pour provoquer les réactions du public.
Et pourtant, avec des réflexions pleines de bon sens, Daria et Antonio déclenchent des rires et des sourires.
Dans un cadre minimaliste, avec simplement quelques projecteurs de lumière comme si l'on était sur un plateau de cinéma, les deux comédiens se parlent et prennent parfois le public à témoin. On est dans ce que Georges Perec appelait de "l'infra-mince".
En l'occurrence, il s'agit d'évoquer Janine Turek, une femme polonaise qui pendant cinquante ans a tenu précisément la comptabilité de tout ce qu'elle faisait. Des pommes croquées aux heures passées devant la télé, tout était noté dans ses carnets.
À partir de la vie de cette femme sans histoire racontée dans "Reality", un reportage d'un journaliste polonais, Mariusz Szczygiel, Daria et Antonio s'interrogent sur le sens à donner à cette existence qui prend son relief dans la notation rigoureuse de son absence de relief. Ils rejouent parfois des scènes qu'ils imaginent ou qu'ils déduisent du peu d'éléments à leur disposition.
Attention ! Jamais cette mise en avant d'une histoire minuscule, qui n'a aucune raison de connaître une quelconque postérité, n'aboutit à exalter sa banalité. On est tout à l'opposé de l'arrogance déguisée en modestie d'un Philippe Delerm convoquant des petits bouts de réalité pour ériger le bon sens et les lieux communs en philosophie indépassable.
C'est avec simplicité que Daria et Antonio énoncent des vérités qui ne sont pas des évidences mais qui le paraissent justement grâce à cette simplicité.
En une heure, sans jamais être péremptoires, ils dessinent une Janine Turek attachante comme tous les gens de peu auxquels on s'intéresse vraiment, c'est-à-dire sans démagogie. Ils en auront aussi, mine de rien, profité pour dédier cette heure au théâtre.
Un spectacle qu'on a aussitôt envie de revoir. |