Réalisé par Ken Loach. Grane-Bretagne/France. Drame. 1h49 (Sortie le 2 juillet 2014). Avec
Barry Ward, Simone Kirby, Jim Norton, Aisling Franciosi, Alleen Henry et Francis Magee.
Retour une nouvelle fois en Irlande pour Ken Loach.
À la différence de sa Palme d'or, "Le Vent se lève" il ne s'agit pas ici de se confronter directement à la grande histoire, celle qui a fait des frères des ennemis et qui charrie tragédie et oppression.
Dans "Jimmy's Hall", le marxiste qu'il est et son scénariste attitré, Paul Laverty, montrent comment le poids de l'Histoire pèse sur les hommes, notamment ceux de bonne volonté qui veulent changer le monde et le sort du peuple, quand ils font face à des institutions conservatrices, prêtes à les briser pour continuer à régner sans partage sur les cœurs, les âmes et les corps.
Activiste exilé dix ans aux États-Unis, Jimmy Gralton revient dans son village alors que la "paix" est désormais bien installée. Mais il va vite découvrir tout ce qui se cache derrière cette pacification et notamment comment les puissants, via l'Église catholique, ont installé leur domination sans partage.
Pressé par les jeunes gens du coin de rouvrir sa salle de bal, il sera de nouveau confronté à la haine des bien-pensants et des dominants.
Bien entendu, on entend déjà quelques soupirs ou quelques quolibets pour s'amuser de cette vision du monde éternellement monolithique de Ken Loach. Les bons, les méchants les prêtres au service des capitalistes, tout ça paraît acquis, vu, su et entendu.
Sauf que le plus grand cinéaste anglais est bien le seul à continuer le combat, même si cette année Stephen Frears lui a donné un coup de main avec "Philomena", autre charge sans concession contre l'Église.
Ken Loach continue, et continuera jusqu'au bout, à se faire le chantre de l'individu altruiste qui bousille sa vie au service des autres. Son cinéma reste à la hauteur de ses ambitions et, désolé pour ses contempteurs, il prend ici une belle forme classique, et ce qu'il décrit ne sombre jamais dans aucun académisme.
L'Irlande qu'il propose, bien loin de celle riante de "L'Homme tranquille" de John Ford, est un condensé d'humanité, avec ses joies, ses peines et ses statues d'airain à abattre. "Jimmy's Hall" est une belle histoire qui touchera encore une fois les cœurs.
On peut aimer Loach et Ford, préférer le cinéma de l'un ou de l'autre, on ne peut nier leur amour commun des petites gens et des forts en gueule.
"Jimmy's Hall" de Ken Loach est le fruit d'un homme qui a derrière lui déjà 45 ans de cinéma et qui paraît pourtant intellectuellement d'une étonnante fraîcheur juvénile.
Cette œuvre, forte et inspirée, permet de rendre hommage à James Gralton, une belle personne à qui, grâce à Loach et Laverty, on peut, par-delà le temps, adresser un fraternel salut. Merci Jimmy ! |