Réalisé par Léa Fazer. France. Comédie dramatique. 1h25 (Sortie le 23 juillet 2014). Avec Pio Marmaï, Michael Lonsdale, Déborah François, Alice Belaïdi, Micha Lescot, Dominique Reymond et Nicolas Bridet.
Voilà un film qui ne cède pas à la facilité de la mode des "biopics" et préfère l'art délicat de l'évocation pour ressusciter un cinéaste.
Cédric Rovère, le vieux maitre ès cinéma, ne ressemble pas physiquement à son presque homonyme Éric Rohmer.
L'aérien et longiligne papa des "Contes Moraux" et des "Comédies et Proverbes" n'a ni la barbe ni la solidité désormais fragile d'un Michael Lonsdale. Mais celui-ci, à son meilleur meilleur, retrouve la bienveillance amusée, la curiosité débonnaire de celui qui fut la pierre angulaire de la dite "Nouvelle Vague".
"Maestro" raconte le tournage du dernier film d'Éric-Cédric, "Les Amours d'Astrée et de Céladon". Cette adaptation d'un roman pastoral du XVIIe siècle, qui contait sur plus de 5000 pages les tendres amours de bergères et de bergers gaulois, fut l'ultime défi juvénile d'un homme totalement libre au pays du CNC et de l'avance sur recettes.
Projeté par un quiproquo dans ce cinéma à nul autre pareil, loin du bling bling dont il rêvait quand il a choisi ce métier, Henri, un jeune comédien ambitieux, prêt à tout pour réussir, va se laisser apprivoiser par le vieux jeune homme de la rue Pierre Ier de Serbie, se laisser conquérir par la beauté de sa démarche.
Léa Fazer a beaucoup travaillé avec Jocelyn Quiévrin, modèle du personnage d'Henri et, avant sa tragique disparition, a écrit avec lui le scénario de "Maestro" où il se souvient de sa participation aux "Amours d'Astrée et de Céladon".
Le spectateur "lambda", qui a peu pratiqué Rohmer, ou ne le connaît ni de nom ni de renom, s'identifiera à Henri et, comme lui, sera proche du fou-rire devant les méthodes rovériennes et la bizarrerie de jeu de ses éthérées comédiennes. Puis, peu à peu, il devrait commencer à comprendre qu'il est peut-être passé à côté de quelque chose.
Henri-Jocelyn, c'est ici Pio Marmaï, qu'on apprécie pour la première fois à une valeur plus juste et qui sait insuffler une part tragique à son personnage dont l'insolence est tempérée par son bonheur de séduire et d'être séduit, et sur lequel plane un destin bête de mort prématuré.
Film de facture classique, cherchant à convaincre plus qu'à proposer, "Maestro" reçoit pourtant par instants des éclats de grâce rohmérienne... On pense, par exemple, aux scènes où Pio Marmaï rend visite à Michael Lonsdale. Surtout, Léa Fazer redonne espoir à ceux qui n'osaient pas pensé qu'il puisse y avoir un "après-Rohmer".
Désormais, grâce à elle, on sera convaincu que son beau cinéma d'espiègle lettré ne s'évanouira pas complètement et qu'il connaîtra de nouveaux avatars.
Dans le film de Léa, on suppose qu'Éric aurait aimé les comédiens qu'elle a choisi pour être "rohmériens". On pense à Déborah François, à Micha Lescot et à un acteur décontracté dont on reparlera, Nicolas Bridet.
"Maestro" de Léa Fazer est un film qu'on est content d'aimer et qui donne furieusement envie de revoir "Les Amours d'Astrée et de Céladon". |