C’est presque avec la connivence qui lie deux amis que l’on retrouve un second album de Sharon Van Etten distribué par Jagjaguwar Records. De retour donc, la chanteuse originaire du New-Jersey nous revient avec son lyrisme et son chant chaud et hanté, pour un nouvel opus intitulé Are We There.
Autoproduit, celui-ci joue à la girouette et donne de la tête dans plusieurs directions. Si, comme à son habitude, Sharon charge sa voix d’une passion atteignant une profondeur mirobolante, les productions qu’étaient jadis maintenues à un strict minimum, comme pour ne pas interférer avec son chant, se mâtinent ici volontiers avec d’autres instruments.
Comprendre que Sharon prend des risques qui lui réussissent. Si discuter de son amour et de ses peurs livre une expérience sonore à fleur de peau, les guitares presque agressives qui déambulent sur des titres comme "Taking Chances" offre un habit nocturne à l’album. Hantée, voire carrément habitée par ses mouvements de passions, sa voix passera d’un aspect diaphragme, inconsistante et charmante, s’accompagnant d’un simple piano sur "I Know". Pour atteindre une chaleur séduisante sur "Tarifa", titre sur lequel elle se conjugue avec l’esprit vintage d’un synthé rétro, le temps d’une balade épique.
Et comment ne pas succomber à l’excellent "Your Love Is Killing Me", son refrain entêtant et puissant s’améliorant, phase après phase, à grand renfort de percussion roulant en fond, à la façon d’un cœur s’emballant sur la plaidoirie de la voix de Sharon.
Vous l’aurez compris, Are We There se construit une identité à deux visages, le premier s’acharnant à rendre les compositions simples, à n’en faire que des exergues pour le chant. Le second, plus retors, est un mouvement passionnée qui apparaît après quelques écoutes, enfant né de la rencontre du pathos de Sharon et d’une instrumentalisation bridée.
Are We There (NDLR : dans le sens "En avons-nous terminé ?") prend alors la forme d’une question rhétorique, simple formule de politesse à laquelle l’artiste répond dans le titre "Every Time The Sun Come Up" en affirmant "People say I'm a one hit wonder, but what happens when I have two ?" ("Les gens disent de moi que je ne durerai que le temps d’un titre, mais que se passe-t-il si j’en ai deux ?"). C’est tout vu. |