Réalisé par Gillian Robespierre. Etats Unis. Comédie. 1h23 (Sortie le 3 septembre 2014). Avec Jenny Slate, Jake Lacy, Gaby Hoffmann et Gabe Liedman.
"A force de dire des choses horribles, elles finissent par arriver" fait à peu près dire Jacques Prévert à Michel Simon dans "Drôle de drame". C'est un peu ce qui se passe dans "Obvious child".
En effet, Donna, qui pratique le "stand-up" et ne mâche jamais ses mots crus quand elle monte sur scène, enchaînant les propos trash concernant sa féminité, finit par vivre un moment traumatique : un avortement.
Éternelle illustration de la dialectique entre les mots et les choses, "Obvious child" suit pas à pas la vie chaotique de Donna. Tout s'accumule apparemment contre elle : trahie par son petit ami, sans travail, fumant trop et buvant sec, elle couche avec un inconnu en oubliant le sacro-saint préservatif...
Là voilà donc confrontée à cet "obvious child", cet "enfant évident"... Plus évident que le titre non-traduit du film et qui doit être, dans le contexte juif new-yorkais dans lequel vit Donna, une référence à une célèbre chanson de Paul Simon.
Difficile donc, avec ce résumé du sujet du film, et une réalisatrice qui s'appelle Robespierre, de convaincre qu' "Obvious child" est une "comédie romantique".
Nature comique à coup sûr, Jenny Slate - qui pourrait bien être une Ben Stiller au féminin - sait montrer l'ambivalence du personnage de Donna en quête d'amour... mais pas encore prête pour transformer cette soif en amour maternel.
Convaincante dans les scènes avec ses parents, notamment dans celle où elle vient se blottir dans les draps de sa maman, elle porte tout le film sur ses épaules et forme avec Cake Lacy le parfait couple hétérodoxe. Beau gosse bien nourri, "goy" de surcroît, Max est un bon élève poli qui paraît très loin de Donna, la fausse peste aux mots lestes, mais c'est aussi ça le secret d'une vraie comédie romantique...
À l'instar du film de Zach Braff, "Le rôle de ma vie", "Obvious child" décrit une judéité qui s'ouvre vers l'extérieur, avec un passage compliqué symbolisé ici par un final à l'hôpital.
Gillian Robespierre est partie d'un court-métrage pour construire son film. En général, cette opération aboutit à des œuvres bancales où l'on sent que le scénario a été étiré. Dans "Obvious child", il n'en est rien.
Tout au contraire, on aimerait rester plus longtemps dans ce New York de film indépendant, qu'on sent hélas aussi au bout du rouleau qu'un certain Paris. Les librairies ferment et les bobos règnent. Et quel âge à Paul Simon ?
"Obvious child" de Gillian Robespierre est un film bien dans son époque : on y rit même s'il n'y a pas toujours de quoi rire. On y a soif d'un autre monde, peut-être celui d'un après-film où l'enfant de l'amour aura plus de chance que celui du hasard... |