Comédies dramatiques de Richard Foreman, mise en scène de Bernard Sobel avec Jérôme Cochet, Daniel Léocadie, Clémence Longy, Frédéric Losseroy, Manon Payelleville, Zelda Perez, Noémie Rimbert et Théophile Sclavis.
Né en 1937, Richard Foreman, auteur d'avant-garde étasunien, fondateur en 1968 de "L'Ontological-Hysteric Theater", n'est pas le plus connu des dramaturges new-yorkais.
Ce touche-à-tout, à la fois metteur en scène d'opéras, réalisateur de films, écrivain et librettiste de comédies musicales, a suscité l'intérêt de Bernard Sobel quand il s'occupait du Théâtre de Gennevilliers.
Pour sa Carte Blanche aux Déchargeurs, celui-ci se souvient de sa proximité avec Foreman en présentant, en collaboration avec Michèle Raoul-Davis, deux courtes pièces : "Old Fashioned Prostitutes" (son dernier texte à ce jour) et "L'idiot savant".
Dès que la lumière se fait, l'univers de Foreman, réglé plutôt sur l'incertitude que sur une réalité pérenne, laissera un moment le spectateur dubitatif.
Dans "Old Fashioned Prostitutes", un personnage assis dans un fauteuil, dans un décor d'appartement dévasté par une fête, où les bouteilles voisinent avec les reliefs de repas, s'apprête à parler. Mais, le spectacle à peine commencé, un autre personnage annonce presque aussitôt : "Fin de la pièce"...
Il va falloir s'habituer à une réalité friable, susceptible d'accommodements avec le réel. Est-on dans la tête d'Alfredo assis dans son fauteuil qui monopolise la plupart du temps la parole ou bien sur une vraie scène où les autres entités apparemment humaines agissent pour leur compte propre ?
Sans commencement ni fin, "Old Fashioned Prostitutes" laissera de glace ceux qui n'auront pas accepté, aux premiers indices, qu'il s'agissait d'un délire ludique sur ce que vivre veut dire, un travail sur lui-même d'un homme d'expérience qui, pour mieux cacher la leçon de vie qu'il donne subrepticement, a pris les traits d'un jeune fêtard assez vain.
Plus clairement fantaisiste, "L'idiot savant" commence comme une discussion apparemment sensée entre un homme en simil-saharienne et une femme, Marie, dans une tenue voisine mais avec en plus un casque colonial.
Mais, très vite, l'homme se précipite contre des plaques de métal qui habillent le fond de la scène et cachent partiellement un grand tableau plein d'équations... et apparaît Olga, le pendant "sexy" de Marie. Dès lors, pas de doute : on a l'impression que l'idiot savant pourrait être un avatar de Groucho Marx, coincé entre ses femmes et ses délires verbaux.
L'impression prend tournure quand un grand canard géant vient à son tour pointer son bec. Bernard Sobel n'a sans doute pas oublié que Foreman est aussi un homme de cinéma. Après Groucho Marx, voilà donc une référence à ce que les cinéphiles, avant de se taire définitivement, qualifiaient d'"helzapoppinesque".
Si le spectateur sait laisser sa logique au vestiaire, il s'amusera fort de tout ce bazar incongru qui peuple peu à peu la scène, rira franchement et saluera l'écriture originale de Foreman dans laquelle l'imaginaire est au pouvoir et les acteurs heureux d'être en roue libre.
Un univers à découvrir, un univers qui ne donne pas toutes ses clés mais dont la richesse permet d'oublier ses zones d'ombres opaques. |