C'est d'un coup que le producteur masqué par intérim, SBTRKT, avait décidé de faire son retour. Après un premier opus généralement acclamé et un nouvel EP instrumental qui avait lentement fait monter la pression, l'artiste britannique avait sans doute conclu qu'un public mûr était prêt à entendre ses nouvelles productions.
Premier coup de semonce lancé en utilisant la voix de Sampha ("Temporary View"), ce Wonder Where We Land mérite assurément son titre au jeu de mot facile.
Avec un arc-en-ciel largement plus étoffé que par le passé, le producteur fait non seulement appel aux voix qu'il a fortement aidées à plébisciter par le passé (Jessie Ware, Sampha) mais aussi à d'autres artistes dont la présentation serait inutile (Ezra Koenig de Vampire Weekend). Mieux encore, en vrai dénicheur de talent, SBTRKT invite même le jeune Raury qui a très vite su conquérir son petit monde avec son single "God's Whisper" et son premier album Indigo Child. Bref, le producteur s’entoure d'une garde à la voix bien formée et prêt à poser ses lyrics avec toute la passion requise par les productions de l'artiste.
Plus mâtures mais aussi plus alambiqués, les titres affichent maintenant une confiance neuve, fièrement gagnée les années précédentes aux côtés de Yukimi Nagano ou de cette même Jessie Ware. Déambulant comme un prédateur, conscient de sa supériorité tout autant que de son attractivité, Wonder Where We Land est une entité magnétique et sensuelle. Sampha en incarne l'une des façades les plus évidentes, avec le sexy "Gon Stay". Sa ligne de basse campera d'ailleurs le rôle de miroir, face au titre d'Ezra Koenig, "New York New Dorp". Capitalisant sur un passage reprenant cette même basse sensuelle, le titre mobilise avec un plaisir évident la place centrale de l'album.
Un opus qui, contrairement à son prédécesseur, ne se définit pas comme une introduction au monde nocturne, bon à déchaîner les esprits jusqu'au cœur de la nuit. Mais bien comme une continuité, sensée prendre la relève quand la fièvre de la nuit s'est totalement emparée des corps. Une suite qui personnalise les promesses des longues soirées, des rencontres élusives, de l'être et du faire paraître.
Vous comprendrez alors pourquoi l'apparence compte tant dans un album qui lancera des lyrics tels que "My girl has a limousine / She got a full time job just to keep it clean."
Pour autant, n'allez pas croire que Wonder Where We Land est tout juste bon à jouer en fin de soirée, pour mettre les gens dehors. Avec Caroline Polachek aux commandes, SBTRKT prouve sur "Look Away" que son second opus investit avec succès toutes les heures de la nuit. Du début à la fin, Wonder Where We Land s'impose comme le compagnon parfait pour une soirée, explorant avec une nonchalance absolue toute la palette d'émotions pouvant colorer successivement (ou simultanément) les âmes humaines.
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