En quelques années et une poignée de disques (quatre EP et deux albums), Louis Warynski s’est fait un nom ou plutôt un pseudonyme dans le monde de la musique. Avec ce troisième album Deltas, son auteur annonce ses ambitions : "donner une nouvelle dimension à son œuvre, sublimer l’existant et creuser sa singularité". Ce disque est d’abord la quintessence de ce qui fait la, superbe, musique du Chapelier fou : mélodies splendides (jouées sur divers instruments : violons, pianos…) très souvent influencées par ses nombreuses expériences et autres voyages (harmonies asiatiques, gamelans, musique des pays de l’est…) sur un lit d’électronique rythmique et mélodique (rappelant parfois De Roubaix).
Le Chapelier Fou construit avec audace, intelligence et subtilité, pas à pas, son œuvre, la densifiant, la complexifiant, l’intensifiant toujours un peu plus. Tel un peintre, Louis Warynski exécute sa musique comme des tableaux fauvistes aux nombreuses couleurs organiques et flamboyantes, jouant avec ses instruments comme un pinceau. On y retrouvera presque autant de couleurs que de modes, que d’émotions différentes, entre joie et mélancolie, excitation et presque transe.
Le résultat est d’abord étonnant même pour ceux qui goûtent à sa musique puis il devient immersif, envoûtant, obsédant. Travail d’orfèvre, de musicien, Deltas est comme un Oolong ou un Singbulli qui lentement laisse échapper la délicatesse et la finesse de ses arômes… Il y a beaucoup de vie, d’humanité dans cette musique. Beaucoup d’authenticité aussi, dans le jeu, dans le côté bricolé à la maison (ce n’est pas une image mais une réalité), dans les imperfections aussi (les accidents, une musique électronique à la rythmique parfois un peu trop envahissante, une certaine fraîcheur) et dans cet ensemble très poétique.
Le poète et écrivain André Suarès parlait de Claude Debussy comme "quelqu’un qui écoute la nature d’une oreille confidente. De tout ce qu’elle offre à ses yeux, à son tact, à son imagination, il fait de l’harmonie, il prête une conscience musicale à ce qui n’a point de conscience". Tout comme le compositeur Français, Louis Warynski retrouve le chant des éléments, de la nature et de l’inconscient. Une musique d’ici et d’ailleurs…
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