Réalisé par Francesco Munzi. Italie/France. Drame. 1h43 (Sortie le 1er octobre 2014). Avec Marco Leonardi, Peppino Mazzotta, Fabrizio Ferracane, Giuseppe Fumo, Barbora Bobulova, Anna Ferruzzo,, Pasquale Romeo et Vito Facciolla.
Tragédie antique dans les années 2010, "Les Ames noires" restera sûrement dans les mémoires pour une fin "originale", dont il ne faut rien dire, et qui résume par sa radicalité tout ce qu'il y a de dérisoire et de paradoxal dans les fictions qui traitent les mafieux comme des héros modernes.
Nul doute que cette fin "appâtante", qui laisse désormais derrière elle celle pourtant si belle du "Parrai III", se retrouvera bientôt dans un film américain.
Car, en y regardant de plus près, les Italiens ne sont pas les mieux servis en films sur cette "pieuvre" dont personne n'oserait pourtant leur enlever la paternité, à tel point qu'il est possible d'affirmer que "Les Ames noires" est le premier grand film italien sur la mafia depuis bien longtemps.
Plus précisément, Francesco Munzi s'est intéressé à la "Ndrangheta" calabraise, la moins connue des "trois grandes mafias" avec la mafia sicilienne et la camorra napolitaine. Pays d'une extrême rudesse, pauvre parmi les pauvres, règne de la chèvre sur des terres rachitiques, la Calabre génère des êtres durs, taiseux, taciturnes, bien loin de la faconde napolitaine ou de l'outrance sicilienne.
La mafia qui va avec est ainsi renommée pour sa violence et sa cruauté. Quand on aura vu "Les Ames noires", et connu le sort de ses trois frères issus d'un puissant clan calabrais, on ne mettra plus en doute ces affirmations.
Mouvement dialectique inversé, qui part de la modernité du trafic de drogue mondialisé pour revenir à l'archaïsme de la vendetta entre bergers, le film de Francesco Munzi montre que dans la mafia aussi des hommes ont cru que la "macroéconomie" était venue à bout du local. Luigi, le frère qui est dans l'action, la recherche des marchés, négocie avec des Colombiens de la drogue à Amsterdam.
A l'ère de l'informatique et des jets privés, ayant oublié ses racines sauf pour parodier les quatre cents coups de son enfance, il est la cible parfaite pour mourir sur la place de son village natale, victime d'un clan rival pour payer la faute vénielle d'un neveu sanguin...
Francesco Munzi a construit un film sans temps morts tout en faisant vivre les nombreux personnages d'une grande famille plus complexe qu'il n'y paraît. Encore une fois, le drame accompli, on s'interroge sur le pourquoi de toute cette énergie déployée pour s'enrichir vainement.
Ballotée entre cupidité et lâcheté, la Calabre reste un océan de pauvreté d'où surnagent quelques îlots de richesse fortifiés par l'argent salement acquis. "Les Âmes noires" de Francesco Munzi en dresse un portrait passionnant dans lequel on trouvera bien des âmes, mais plus mortes que noires. |