Comédie dramatique de Jean Genet, mise en scène de Robert Wilson, avec Armelle Abibou, Astrid Bayiha, Daphné Biiga Nwanak, Bass Dhem, Lamine Diarra, Nicole Dogué, William Edimo, Jean-Christophe Folly, Kayije Kagame, Gaël Kamilindi, Babacar M’Baye Fall, Logan Corea Richardson, Xavier Thiam et Charles Wattara.
Pour parler des "Nègres" de Bob Wilson... il faut d'abord parler des "Nègres" de Jean Genet. Car, hélas, il y a un hiatus entre les deux.
D'abord, il faut aussi dire que la pièce de Jean Genet, qui lui avait été commandé, était, lors de sa création en 1959, une provocation en soi puisqu'elle ne devait être jouée que par des acteurs noirs à l'heure de la décolonisation. Dans sa langue poétique ultra-lyrique, Genet cherchait à vaincre les stéréotypes racistes sur ce qu'un noir était, alors que le livre de Franz Fanon datant de 1953, "Peau noire, masques blancs", était encore mal connu. Genet se mettait sur les épaules un fardeau très lourd et, d'une certaine façon, "Les Nègres" n'atteint pas le but gigantesque visé. C'est une pièce plutôt faible, qui prétend passer par la "clownerie", alors que la drôlerie n'a jamais été le fort de l'auteur de "Querelle". Loin d’être au niveau des "Bonnes" ou des "Paravents", "Les Nègres" est une oeuvre trop schématique, comptant avant tout sur l'énergie de ses acteurs. Et si les acteurs noirs de 1959, dont le grand Robert Liensol et les légendaires Toto Bissainthe et Darling Légitimus pouvaient, par leur présence, compenser le manque de chair de la pièce de Genet, on se doute qu'aujourd'hui, cloisonnés dans l'esthétique parkinsonienne, leurs petits-enfants ayant forcément oublié ce contexte ne puissent nourrir leur jeu de leur propre expérience, et habitent sans colère ce beau Barnum. Chacun des personnages n'est dans cette version colorée, tellement stylisée qu'elle paraît quelque fois plus proche des clips de Mondino-Goude que du travail habituel de Robert Wilson, qu'un pantin décoratif, abstrait à l'image du "missionnaire" déguisé en clown blanc. Le texte de Genet semble être aussi réduit à la portion congrue et l'on a du mal à suivre une histoire trop élaguée qu'il avait pourtant voulu simple et universel avec Village, l’assassin ou Vertu, la prostituée. Reste au final une belle machinerie, foisonnante d'effets à laquelle on pourra quand même préférer le minimalisme de "The Old Woman", le précédent spectacle de Bob Wilson pour le Festival d'automne 2013, qui, même s'il abusait des répétitions, n'imposait pas un prologue aussi lent et inutile que celui qui amorce "Les Nègres". |