Réalisé par Hong Khaou. Grande Bretagne. Drame. 1h26 (Sortie le 15 octobre 2014). Avec Ben Whishaw, Pei-Pei Cheng, Andrew Leung , Morven Christie, Naomi Christie, Peter Bowles, Leila Wong et Shane Salter.
Entre des comédies "très anglaises" et des drames "très sociaux", le cinéma britannique n'a guère habitué ses spectateurs à des récits subtils où le mot "délicatesse" puisse venir naturellement aux lèvres.
Hong Khaou, profitant de ses origines, a déjoué cette impossibilité avec un film original qui aborde avec bienveillance des questions graves pour les résoudre sans tapage dans un climat proche de l'harmonie.
Et pourtant, rien n'était gagné dans ce récit qui débute dans une maison de retraite où l'on s'attarde sur le "flirt" incongru entre une veuve chinoise mutique et repliée dans une évidente douleur, ne parlant pas un mot d'anglais, et un retraité entreprenant très british.
Seul le cinéphile avide d'arts martiaux comprend immédiatement que Hong Khaou ne va pas se contenter de l'intimité d'une maison de retraite assez cossu. Car Junn, la "jeune vieille" Chinoise effacée et délicate, n'est autre que Cheng Pei-pei, la grande star des Studios Shaw Brothers de Hong-Kong, l'héroïne du sublime "L'Hirondelle d'Or" de l'indépassable King Hu.
Bien entendu, pas question pour elle de reprendre son sabre d'antan. Mais elle va devoir combattre à fleuret moucheté un jeune homme qui l'intrigue et l'irrite et dont l'irruption perturbe le profond chagrin qu'elle dissimulait à tous en mimant sa romance avec son vieux benêt anglais.
Se présentant comme un ami de Kai, son fils mort, et ayant l'idée presque absurde de venir avec une jeune traductrice pour se faire comprendre d'elle, il lui rend de longues visites pour lui parler de ce fils à qui elle a honte de survivre. S'en suivent de longues conversations à deux et à trois en même temps, des moments simples et beaux dans leur évidence cinématographique.
Hong Khartoum ne laisse pas de doute au spectateur, et lui donne quelques dizaines de minutes d'avance sur Junn : Richard, le jeune homme fragile qui cherche à la conquérir, était l'amant de Kai.
Toute la problématique du film, son suspense douloureux, est de savoir si elle savait que son fils était homosexuel, si Richard va lui apprendre ou s'il n'y arrivera pas ou ne s'y résoudra pas.
Avec aussi peu d'éléments, mais des éléments à qui Hong Khaou sait insuffler une force émotionnelle d'une rare intensité, ce film qui paraissait au départ fragile, voire anecdotique, gagne en densité, parvient à toucher les cœurs sans avoir besoin de passer par la case mélo.
Pour son premier film, Hong Khaou séduit. La confrontation Ben Whishaw-Cheng Pei-pei est inoubliable et le jeune réalisateur sait diriger tous les acteurs secondaires avec un égal bonheur.
On reste saisi par la subtilité du dispositif scénarique, même si Hong Khaou aurait pu se dispenser des scènes où se matérialise auprès de Richard son jeune amant chinois mort.
"Lilting ou la délicatesse" de Hong Khaou n'aura pas la destinée des films survendus sortant dans la même période. Qu'importe, ceux qui se laisseront tenter par ce film, qu'on rêverait parfois de voir adapter au théâtre, seront heureux de partager cette belle et grande surprise cinématographique. |