Réalisé par Yann Demange. Grande Bretagne. Guerre. 1h39 (Sortie le 5 novembre 2014). Avec Jack O'Connell (II), Lewis Paul Anderson, Richard Dormer, Sean Harris, Martin McCann, Charlie Murphy, Sam Reid et David Wilmot.
Si le cinéma anglais aime l'Histoire, il a souvent pour tropisme les Tudor et ne fait escale au 20ème siècle que pour évoquer les guerres et leurs conséquences.
"'71" est donc un des premiers films a prendre pour cadre le recrudescence de violence qui saisit l'Irlande du Nord en 1971, au point qu'on a pu y voir un nouvel épisode de l'éternelle guerre civile en Ulster entre protestants et catholiques.
Yann Demange, venu de la télévision, signe ici un premier film qui prend le parti-pris d'être au cœur de la mêlée, en suivant Gary, une jeune recrue anglaise, dont c'est le baptême du feu à Belfast et qui va subir dans sa chair une guerre sale où les ennemis jouent un jeu trouble derrière un manichéisme de façade. Gary, trimballé d'un camp à l'autre, découvre les faux-semblants d'un conflit qui tient autant de la vendetta que du jeu de rôles sanglant.
Traîtrise, collaboration, goût sadique de la violence pour la violence viennent contaminer dans cette ville-décor une lutte que les idéalistes voyaient comme une autre forme de guerre de libération nationale.
Petit à petit, soldat lambda perdu dans la noirceur de cette situation inextricable, Gary comprend trop ce qui se passe et risque alors encore plus sa peau.
Aimant dessiner à gros traits nets ces personnages, Yann Demange conçoit le parcours du combattant Gary comme une palpitante course dans un labyrinthe qui paraît ne pas avoir d'issue. D'explosions en fusillades, toujours plus meurtri et endolori, Gary tente avant tout de survivre comme un ludion dans un jeu vidéo cauchemardesque.
Film sombre, tourné principalement de nuit, "'71" de Yanne Demange n'explique rien mais montre tout en suivant les désarrois du jeune soldat. Y aura-t-il alors encore quelqu'un pour sauver le soldat Gary ?
Jack O'Connell, qui l'incarne, fait passer toute la gamme des sentiments qui traverse ce garçon sans qualités, orphelin pour charger encore la barque, devenant, au gré des circonstances, un vrai témoin lucide et un homme accompli, un adulte prêt à s'occuper et à protéger son petit frère.
Avec une intrigue de vrai film d'action, Yann Demange raconte finalement un récit d'apprentissage cabossé. Son héros dépassera le désarroi et le désespoir qui l'habitaient avant de partir à la guerre et profitera de cette épreuve indicible pour reprendre courage et espoir.
Ce n'est là qu'un des paradoxes de "'71" de Yann Demange, beau film d'un cinéaste dont on reparlera. |