Spectacle de poésie visuelle et sonore conçu et interprété par Julie Gozlan et Stefano Fogher dans une mise en scène de Justine Wojtyniak.
Pourquoi cette heure placée sous le signe du thé donne-t-elle envie d'employer les mots "délice" et "malice" ? Mystère... Mais mystère vite résolu.
En adaptant très librement "La Chanson d'amour de J. Alfred Prufnok", maigre texte de jeunesse de T.S. Eliot, Justine Wojtyniak brouille d'entrée les pistes, et surtout celle de la raison raisonnante.
Disciple de Kantor, nourire sans doute de Gombrowicz et de tout cet absurde polonais qui imprégnait aussi les premiers courts-métrages de Roman Polanski ou de Jerzy Skolimowski, elle laisse un instant penser que sa tasse de thé bue, le spectateur va devoir écouter religieusement un contrebassiste déclamer du Dante et du Shakespeare à la vitesse poétique d'une goutte d'eau qui tombe dans un évier.
Mais tout cela n'est qu'une impression fausse. Justine est malicieuse et Julie Gozlan et Stefano Fogher, ses interprètes, de délicieux plaisantins.
Avec pour accessoires, deux tasses, deux cuillères, deux soucoupes, une théière et une contrebasse bienveillante et son archet multi-usages, ils vont s'ingénier à mettre en place une étrange chorégraphie d'un intense minimalisme.
Contrebassiste virtuose et inventif, pouvant tirer de ses cordes des notes jazzy ou des accords schoenbergiens, Stefano Fogher peut même se permettre quelques clowneries. Sa partenaire, Julie Gozlan, lumineuse, est sa Ginger Rogers et son Auguste. Maniant avec dextérité la porcelaine, elle se déplace avec bonheur dans cet univers aléatoire et poétique.
Sans doute faut-il avoir déjà vu le spectacle pour oser rire sans retenue de toute sa drôlerie, mais son final épatant enlève toutes les équivoques : Justine Wojtyniak a bien conçu cette heure du thé poétique et aérienne pour qu'elle soit savourée avec quelques sucreries humoristiques.
Les défenseurs de la porcelaine seront rassurés en apprenant que les tasses et les soucoupes ne subissent aucune violence pendant les élucubrations de Julie et Stefano.
Peut-être n'en sera-t-il pas toujours de même, mais, dans ce cas, ils recolleront les morceaux cassés avec le même soin qu'ils prennent à rendre agréable ce joli moment de récréation théâtrale qu'est ce "Tea Time" inventé par Justine Wojtyniak. |