Réalisé par Franck Ribière. France. Documentaire. 2h10 (Sortie le 5 novembre 2014).
Tout part d'un pari entre Franck Ribière, producteur de cinéma et fils d'éleveurs, et Yves-Marie Le Bourdonnec, boucher "star" ou "star" des bouchers : où peut-on trouver et accessoirement manger le meilleur steak du monde ?
"Steak (R)évolution" est le récit de cette recherche acharnée sur tous les continents.
D'ordinaire, les films consacrés à la nourriture se partagent entre ceux qui insistent sur le pire, comme "République de la malbouffe" de Jacques Goldstein, dans lequel le restaurateur Xavier Denamur démontrait qu'à peine 20 % des restaurants faisaient eux-mêmes leur cuisine, ou ceux qui montre le meilleur, comme "Entre les bras" de Paul Lacoste, hommage à deux grands chefs Aveyronnais.
"Steak R(évolution)" prend le sujet de plus haut que l'échelon national et s'en va voir griller la viande partout dans le monde. Cela donne plus de deux heures d'images dignes du "National Geographic" où dans des paysages aussi merveilleux que ceux des Highlands, de la pampa argentine ou de la montagne corse, on va découvrir des bêtes superbes de races très différentes, et surtout des techiques totalement opposées pour les élever et en faire des viandes d'exception.
Ce panorama qui dresse un tableau d'honneur des meilleures tables servant les meilleurs steaks fera autant saliver que réfléchir. Car, derrière les démarches choisies par ces grands professionnels, ces quasi intellectuels de la chose bovine, se lit un mode de vie "marginal", très loin de l'agro-business chargé de mal nourrir quelques milliards d'humains.
Dans leurs belles résidences, leurs restaurants chics, ces esthètes du steak ont choisi le temps contre l'argent facile, la production raisonnée plutôt que la surproduction insensée. Il ne s'agit ici que de nourrir que quelques fines gueules qui peuvent payer la bouchée au prix fort.
Mais il est aussi possible de voir en eux l'équivalent des prototypes de Formule 1, dont les innovations finissent par s'imposer sur le véhicule de Monsieur-tout-le-monde : un boucher haut-de-gamme comme Yves-Marie Le Bourdonnec peut faire peu à peu progresser ses idées sur une viande à consommer après maturation et pas au sortir de l'abattoir industriel.
"Steak (r)évolution" brasse beaucoup d'idées, et pas simplement d'idées en l'air. C'est un documentaire vivant sur le vivant qui montre des bovidés qui ne perdent pas leur temps à regarder passer des trains ou à manger des farines animales dans des étables-usines.
S'ils seront mangés, ce sera après avoir profité de la bonne herbe poussant dans des endroits superbes. Sans révéler quel steak sera au bout de cette passionnante enquête proclamé meilleur steak du monde, il est réjouissant de savoir qu'il provient d'un producteur qui choisit personnellement tous ses animaux et dont le critère principal est de n'acheter que des "bêtes heureuses".
"Steak (r)évolution" de Franck Ribière remplit parfaitement son cahier des charges : il donne envie d'un bon vrai steak, démontre que tout n'est pas perdu à l'ère de la malbouffe mondialisée et qu'il y a encore des pistes utopiques pour qu'un jour tout le monde mange à la fois à sa faim et bien. |