Réalisé par Catherine Egloffe, Lingjie Wang, Jingfang Hao, Andrea Palade Flondor, Serge Désiré Ouedraogo et Bouna Chérif Fofana. France/Roumanie/Mali/Chine/Burkina Faso. Documentaire. 1h11 (Sortie le 12 novembre 2014).

"Travailleuses", voilà un mot qui faisait sourire au temps d'Arlette Laguiller et que le président actuel n'osera jamais se mettre en bouche, puisque le discours dominant n'aime que les "entrepreneurs", et pas même les "entrepreneuses".

Dans ce documentaire du Collectif Images-en-Transit, documentaire "taiseux" mais qui a l'avantage de bien montrer les choses, les travailleuses du textile vont être, pour une fois, à l'honneur et cela saisies dans leur réalité, celle qu'elles ont décrite à des cinéastes de leurs pays respectifs, sans se plaindre, avec le courage de la lucidité brute et des mots simples et justes.

Il y a quelques semaines, le québécois Denis Côté fournissait aussi un documentaire sur le travail, "Que ta joie demeure", qui passait par un certain esthétisme et, malgré une économie de paroles égale à celle de "Travailleuses", qui entendait suggérer un jugement pour que l'on comprenne ce que travailler pouvait bien pouvoir dire.

Dans "Travailleuses", le constat n'est ni brut ni brutal, mais ce qui est montré est un morceau de "cette réalité au travail" sur laquelle un Jean-Luc Godard a beaucoup disserté pour n'y consacrer que quelques minutes parmi des centaines de kilomètres de pellicule utilisées à filmer des stars ou des nuages.

Mais pas de vaines polémiques, "Travailleuses", c'est 70 minutes bien utiles pour corriger un état de fait cinématographique qu'on connaît trop.

Des mains piquent à la machine, d'autres découpent aux ciseaux, d'autres manipulent un métier à tisser et derrière elles, il y a des femmes qui disent être là pour gagner leur vie, se sentir indépendantes, et pourquoi pas paradoxalement pour y trouver un peu de liberté.

Documentaire international, "Travailleuses" n'est pas un documentaire mondialisé. Il ne s'agit pas de mettre en concurrence les mains du Burkina, du Mali, de la Chine, de la France et de la Roumanie. Non, c'est un film énonçant avec pudeur des solidarités et des correspondances qui feront rire bien des néo-libéraux avides de concurrence pure et parfaite et redonneront une petite touche d'espoir à tous les humains non marchands.

"Travailleuses" est signé du Collectif Images-en-Transit, mais il faut remercier tous les cinéastes qui se cachent derrière cette raison sociale : Catherine Egloffe (France) ,Lingjie Wang et Jingfang Hao (Chine) , Andreea Palade Flondor (Roumanie), Serge Désiré Ouédraogo (Burkina Faso) ainsi que Bouna Chérif Fofana (Mali). Ils ont fait ensemble une vraie œuvre commune. On soulignera la qualité du montage de tout ce matériau pour qu'il aboutisse à ce documentaire très maîtrisée, jamais redondant, jamais ennuyeux.

Du beau travail au service de ces "Travailleuses" pour lesquelles on rêve qu'un jour un premier Ministre puisse s'exclamer qu'il "faut les aimer". En tout cas, ceux qui verront "Travailleuses" du Collectif Images-en-Transit ne s'y tromperont pas.