Conte moderne écrit et mis en scène par Jean-Michel Rabeux, interprétée par Corinne Cicolari et Eram Sobhani.

 Si les atrocités perpétrées en temps de guerre sont souvent banalisées comme dommages collatéraux, celles perpétrées par les soldats américains sur les prisonniers irakiens dans la prison de Abou Ghraib, ont soulevé l'indignation de l'opinion publique internationale mise au pied du mur par la diffusion, par leurs auteurs, de photographies célébrant leurs "exploits".

Et, notamment, parce qu'un des tortionnaires était une jeune femme, alors même que les femmes figurent toujours au rang des victimes et très rarement à celui des bourreaux.

Jean-Michel Rabeux a déjà travaillé sur cette thématique, de manière connexe avec la transposition scénique du texte "Au bord" de Claudine Galea qui portait plus particulièrement sur le symbolisme de l'image de la femme tenant un homme en laisse.

Prenant la plume, il l'aborde de manière frontale, dans le registre et la forme du conte, avec "La petite soldate américaine" qu'il qualifie de "conte sans fée mais avec moralité" et dans lequel il aborde la question du monstre archaïque tapi au fond de chaque homme sans distinction de sexe et celle de l'effet boomerang de la violence.

Perdant sa voix, une jeune femme militaire, qui ne vit que pour chanter, demande à être envoyée sur le terrain d'un conflit armé. Elle retrouve sa voix après avoir torturé un prisonnier, haut fait d'armes, le premier d'une longue série, qu'elle immortalise sur une photographie envoyée à ses proches pour les divertir. Et ctte violence va se retourner contre elle.

Sur un plateau presque nu, une cage de fer et, en fond de scène, un immense arbre, le chêne de la justice peint par la plasticienne Bérengère Vallet, la mise en scène de Jean-Michel Rabeux est sobre et le jeu des deux officiants distancié.

Pieds nus, habillés à l'identique, pantalon noir et chemise blanche, comme des duettistes de music-hall constituent un couple contrasté.

Elle, la petite soldate fluette, avec un physique juvénile et androgyne, est campée campée par Corinne Cicolari, qui ressemble à un innocent oiseau qui chante sur sa branche. Lui, le griot contemporain, c'est Eram Sobhani, au grand corps terrien solide qui se meut cependant avec l'esthétique du danseur.

La réalité est fictionnalisée et déréalisée par le chant mais la fonction du conte agit à la manière "yet-in-your-face". Mine de rien, le "théâtre didactique, mais opéré en douce" de Jean-Michel Rabeux taille dans le vif.