Avec un pied ancré dans la quarantaine et l'autre fermement campé dans les années qui ont fait son succès, Marilyn Manson sort un neuvième opus, au titre - encore une fois - équivoque.
Après une série d'albums ayant difficilement remporté le succès commercial et critique qui fut le sien au début de sa carrière, le musicien aborde sa musique avec un souffle nouveau, s'apparentant à une épiphanie stylistique.
Du coup, le Manson 2015 débarque avec un style vestimentaire moins flamboyant et d'une blancheur angélique. Mais comme l'apparence demeure souvent trompeuse, le nouvel opus garde un indice probant de la personnalité retorse de l'artiste : il faut dire que chez Manson l'image a toujours été manipulée et utilisée à des fins marketing et commerciales, une marque de fabrique puisant tant dans la provocation que l'édification, à la fois artisans de sa célébrité et de sa mauvaise réputation.
De fait, The Pale Emperor se construit en partie comme tous les albums précédents de Marilyn Manson et flirte langoureusement sur des notions dichotomiques propres à notre société. Un exercice typique à l'artiste qui ici se personnifie avec évidence dans des paroles contradictoires ("Mephistopheles of Los Angeles") voire carrément opposées ("We're killing strangers so we don't kill the ones that we love").
La voix plus tendue que jamais, les développements rugueux et passionnés du chant de l'artiste singent un apaisement trompeur, renforcé par une avalanche de guitares sèches ("Fated, Faithful, Fatal"). Un duo presque improbable, au regard de l'individu et des lourdes guitares qui ont longtemps constitué son attelage.
Pourtant, The Pale Emperor convainc avec ce lustre lisse, imprimé par le vernis vocal d'un Manson maître de son organe comme jamais auparavant. Produit aux côtés de Tyler Bates, l’album s’offre des développements épiques, presque délicats et surtout très humains. Si Manson a toujours su chanter les sentiments avec une douloureuse précision, les productions lancinantes de Bates remplacent avec efficacité celles jadis plus nerveuses d’un Twiggy Ramirez et offrent ainsi un visage plus acceptable au chanteur.
Pour autant, n’allez pas croire que The Pale Emperor est un album plus sage que ses prédécesseurs, mentions bibliques, amour, haine, violence et hypocrisie sont toujours fidèle au rendez-vous. Faire du neuf avec du vieux ? C’est à peu près cela, à l’exception près que Manson signe ici son meilleur album depuis presque une décennie.
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