Monologue dramatique d'après l'oeuvre éponyme de Violette Leduc, mise en scène de Catherine Decastel, avec Adeline Lejeune et Catherine Decastel.
Première partie d'un triptyque sur l’œuvre de Violette Leduc, le spectacle "L'affamée", adaptée du texte éponyme de l'auteur, sert de base à Catherine Decastel, qui en signe la mise en scène, afin de continuer le travail exploratoire auquel se dédie sa Compagnie des Myosotis, autour des questions de l'altérité et de la violence des rapports humains.
Dans "L'affamée", ce rapport aux autres et à soi-même est vu à travers le prisme de la passion. Pionnière de l'autofiction Violette Leduc couche sur le papier son puissant et compulsionnel amour pour Simone de Beauvoir au sein d'un journal poétique où elle décrit les affres d'un amour à sens unique.
Le texte verse tantôt dans l'onirisme le plus charmant tantôt dans la folie mystique la plus troublante, avec, en trame de fond, une violence tant verbale que physique puisqu'on comprend rapidement comment l'enfermement passionnel que ressent l'auteur l'amène à la cruauté, non pas envers l'être aimé, mais envers elle-même.
Adeline Lejeune et Catherine Decastel, toutes de blancs et de noir vêtues, interprètent les deux facettes d'une même personnalité en proie au trouble et qui, tantôt dialogueraient entres elles, tantôt se feraient l'écho l'une de l'autre mais sans vraiment s'entendre, ne trouvant l'unisson que dans une danse salvatrice (chorégraphie de Fabrice Taraud) où les corps déchargeraient enfin la tension émotionnelle du cœur et de l'âme que la bienséance exigée en société se doit de cacher.
Le plateau essentiellement vide et noir baigne dans les reflets mouvants d'un mobile composés de miroirs brisés, en perpétuel agitation, et accrochant aléatoirement la lumière, se faisant le reflet du désordre intérieur vécu par les protagonistes. Dans un coin, bien sûr, il y Simone, incarnée par un mannequin sur pied.
Malgré l'engagement physique et affectif des deux comédiennes le spectacle n'atteint pas la charge émotionnelle qu'on aurait pu attendre et le quatrième mur peine à tomber. Se détache cependant la scène finale où Simone de Beauvoir accepte enfin de lire le manuscrit de Violette et ou Catherine Decastel recouvre compulsivement à la craie le plateau d'énergiques "Elle lit !" tandis qu'Adeline Lejeune décrit tout à la fois la joie et l'effroi ressentit par l'auteur. |