Réalisé par J. C. Chandor. Etats-Unis. Thriller. 2h05 (Sortie le 31 décembre 2014). Avec Oscar Isaac, Jessica Chastain, Albert Brooks, David Oyelowo, Alessandro Nivola, Elyes Gabel, Sandino Moreno et Peter Gerety.
J.C. Chandor livre avec "A most violent year" un film qui réjouira sans doute les cinéphiles en ce qu'il constitue un véritable quizz cinématographique puisque, à la manière tarantinienne, il rend hommage au film de genre américain par excellence qu'est le film noir.
Le scénario, concocté par J.C. Chandor lui-même, qui brasse les mythes, rafraichit les stéréotypes et opère de belles variations de références cinématographiques tout en respectant les fondamentaux du genre (argent, mafia et justice), est bien ficelé, la réalisation classique, avec la participation performante de Bradford Young pour la photographie et Ron Patane au montage, va à l'essentiel et la distribution, notamment de Oscar Isaac dans le rôle principal, parfait en manteau en poil de chameau, symbole de position sociale et du bon goût bourgeois.
"A most violent year", qui se présente comme la chronique d'une chute annoncée, pourrait s'intituler "Razzia sur le fioul".
Ambitieux et intelligent, Abel Morales, "mexicano" de la deuxième génération, qui voulait sa part de la Big Apple sans verser dans l'ornière délinquante fréquentée par ses compatriotes ni grossir le prolétariat autochtone, a épousé la fille d'un petit gangster irlandais de Brooklyn qui magouillait dans le business du fioul domestique, ce qui lui a mis le pied à l'étrier.
Une décennie après, il dirige une société florissante et alors qu'il vient enfin de rafler la vente d'un entrepôt sur les docks que convoitaient tous ses concurrents et qui, par son ouverture maritime, va lui permettre de leur damer le pion, il doit faire face, entre autres, à des vols récurrents de camions, à des tentatives d'intimidation, à une inculpation pour fraude fiscale et à la défection de la banque qui devait assurer la moitié du financement.
Bien évidemment, tous ces événements ne sont pas fortuits. Car sa part de gâteau il l'a pris sur celle des rejetons des tutélaires mafias américaines qui fomentent sa chute. D'autant que le bonhomme se glorifie d'être d'un self-made-man et d'avoir réussi "honnêtement" sans recourir aux vieilles méthodes de gangster que sont la corruption et l'argumentaire musclé auxquelles il a susbtitué les stratégies de marketing.
Ses armes, le charisme, la force de persuasion et la négociation, remplacent le revolver et il fait figure de citoyen irréprochable, de bon père de famille et de capitaine d'industrie, le "front man" aux mains propres, laissant son épouse qui a été à la bonne école (Jessica Chastaing en néo-femme fatale) tenir la comptabilité et son avocat (Albert Brooks) s'occuper des illégalismes de droit.
A l'image de la météo new-yorkaise, froidure et neige, sale temps pour Abel Morales, seul contre tous, qui doit payer de sa personne en allant "au charbon" et retrouver des instincts et des réflexes qu'il a longtemps pris soin de maîtriser pour reprendre ses marques, faire rendre gorge aux commanditaires des vols de cargaison et, surtout, trouver l'argent salvateur.
N'y aurait-il de la chance que pour la crapule ? J.C. Chandor ménage le suspense. |