Motorama ou I Love You But I’ve Chosen Darkness à la mode Rostov-sur-le-Don. Comme ceux des texans au plaisir coupable, les morceaux de choix du groupe russe sont des délices d’initiés. Malgré la "pressetroïka" consécutive à la sortie de leur deuxième menu (Calendar, étoilé en 2012 dans plusieurs guides), leur finesse, incomparable au terroir National ou au prêt à emporter d’Interpol, semble les réserver à une poignée d’épicuriens.
Car ceux qui ont fait du Do it yourself leur spécialité (toujours pas de producteur) sont passés chefs dans l’art de décongeler, accommoder et réinterpréter des plats maisons Factory (Joy Division, Stockholm Monsters, The Wake) et Sarah Records (The Field Mice). Une cuisine de la cold-wave élevée au rang macrobiotique, soit le trait d’union parfait entre sa philosophie (déguster) et sa pratique (hachoir rythmique, température glaciale).
En pleine vague de froid de janvier, leur dernière galette devrait les sacrer rois, malgré une recette ascétique inchangée : une préparation à chaud (en pleine tournée internationale), peu copieuse (neuf parts en 30 minutes) et servie froide (une présentation sombre et épurée). Cette économie de moyens n’empêche pas ce plat du pauvre de se révéler plus riche à chaque appréciation. La petite confrérie d’amateurs qui salivaient d’impatience sous la table devrait vite être rejointe par de nouveaux adeptes.
Après une "Corona" fraîche et pétillante, Motoramaestro fait montre de son tour de main pour jouer sur des accords et des contrastes qui révèlent de subtiles alliances sucrées-salées. L’âpreté et la sécheresse ("Dispersed Energy", "Write To Me"), la délicatesse ("Heavy Wave", "Red Drop"), l’éclat ("Lottery"). Relevé par le jeu de basse sautillant de la gracile et gracieuse Airin Marchenko et nappé d’une bonne couche synthétique (l’armoire à glace Alexander Norets derrière ses pianos), le bouquet est enlevé. On gardera la ligne (claire) encore longtemps.
Grâce à des classiques si bien digérés, Motorama devient lui-même, avec ce digest presque parfait, une source d’inspiration capable d’aiguiser tous les appétits.
Au Nouveau Casino le 3 février puis en tournée en France.
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