Comédie d'après le roman éponyme de Graham Greene, mise en scène de Nicolas Briançon, avec Claude Aufaure, Jean-Paul Bordes, Dominique Daguier et Pierre-Alain Leleu.
Pour ces "Voyages avec ma tante", pas la peine d’emporter une grosse valise ni de se munir d’une réservation pour une destination lointaine, car, pour se divertir agréablement en compagnie de sacrés mauvais sujets de sa Gracieuse Majesté, il suffit simplement d’être prêt à rire et à rêver.
Les lecteurs du roman de Graham Greene ou les cinéphiles qui se souviennent des élucubrations de Maggie Smith dans le film de George Cukor qui en était tiré ne seront pas déçus par cette astucieuse adaptation théâtrale de Giles Havergal.
D’abord, il a confié le rôle central d’Henry Pulling, le morne neveu de la truculente Tante Augusta, non pas à un seul homme, mais à quatre, tous habillés en "British gentleman" classique et typique, avec melon sur la tête, costume et parapluie noir.
Chacun son tour peut donc être Henry pendant que les trois autres interprètent les autres personnages prévus par Graham Greene, et cela en s’affublant d’un fez, pour faire turc, ou d’un panama, pour faire Sud-américain.
Inutile de dire qu’à la grande joie de tous les spectateurs, on va aligner les clichés et les poncifs, que les quatre malicieux bonshommes vont rivaliser d’accents et de voix contrefaites.
Chacun sera donc plusieurs, même si, noblesse théâtrale oblige, Claude Aufaure se contentera d’être Tante Augusta et très épisodiquement son neveu amateur de dahlias. Sacrée tantine que cette vieille anglaise "olé olé !". Femme entretenue ou consommatrice de gigolos, espionne ou pétroleuse, elle a plus d’un tour dans son sac pour faire passer les frontières à des objets de valeur.
Dans sa version française, Nicolas Briançon a été d’une grande rigueur. Pierre-Yves Leprince a conçu un décor unique, composé d’un grand panneau représentant un wagon de l’Orient-Express, avec quelques fenêtres par lesquels les acteurs peuvent parfois passer leurs têtes. Le reste du temps, ils restent devant, debout ou assis sur des chaises qui deviennent de temps à autre d’elliptiques moyens de transport.
Tout est ici conçu pour que le voyage soit rapide et rythmé. Nicolas Briançon signe une mise en scène où le temps mort n’a pas sa place et, sur scène, les quatre complices jonglent habilement d’une voix à l’autre, jouant les perroquets ou les policiers, les vieilles filles ou les domestiques noirs.
Chacun des comédiens a du grain à moudre et communique son bonheur d’avoir toujours quelque chose à jouer. Si Claude Aufaure, évidemment, mène la danse avec le talent qu’on lui reconnaît toujours, Jean-Paul Bordes, Dominique Daguier et Pierre-Alain Leleu ne se prient pas pour entrer dans sa danse.
Pochade amusante, "Voyages avec ma tante" tangue peu à peu vers autre chose de plus fort et d’émouvant. Au contact de cette tante extravagante, Henry découvre que la vie vaut d’être vécue… à condition de la vivre vraiment.
Et puis l’impossible n’étant pas anglais, Henry comprendra ce qu’on pressent depuis l’apparition de Tante Augusta. Ce petit mot qu’il lui adresse et qu’on ne révèlera pas, rend soudain ces inoubliables "Voyages avec ma tante" plus profonds et plus humains. |