Comédie dramatique de Anja Hilling, mise en scène de Guy Delamotte, avec Olivia Chatain, Véro Dahuron, Thierry Mettetal, Mickaël Pinelli, Alex Selmane et Timo Torikka.
Le spectacle démarre par un court film montrant un minibus fendant la campagne, alors qu'une voix off d'enfant raconte. Trois couples d'amis et le bébé de l'un d'eux sont dans le véhicule et vont faire un barbecue en forêt.
C'est le point de départ de la pièce d'Anja Hilling, jeune auteure allemande qui, dans "Tristesse animal noir", donne une grande place aux didascalies et propose un texte sans ponctuation, matière brute que les metteurs en scène peuvent utiliser à leur guise.
Pour Guy Delamotte, dont avait apprécié "Les tentations d'Aliocha" il y a deux ans, ce texte donne lieu de nouveau à un spectacle flamboyant (c'est le cas de le dire ici) qui prend toute la mesure du drame d'Anja Hilling et en propose une version forte et habitée par des comédiens magnétiques qui portent admirablement tout l'enjeu de ce drame brûlant du début à la fin.
La pièce d'Anja Hilling (brillament traduite par Sylvia Berutti-Ronelt) dont la présence importante des didascalies et des monologues qui viennent s'ajouter aux dialogues et renseigner ceux-ci arrêtent le temps et montrent les faits avec recul et un éclairage différent comme un négatif photographique est particulièrement saisissante tant elle a valeur d'universalité et traite du rapport de la société actuelle avec la nature et de la responsabilité individuelle et collective.
La puissance d'évocation et la poésie de "Tristesse animal noir" en font un texte marquant et accablant qu'on n'oublie pas.
Encore une fois, le travail du Panta-théâtre est fabuleux. La complémentarité de la vidéo de Laurent Rojol, des lumières de Fabrice Fontal et de la bande son de Jean-Noël Françoise et Valentin Pasquet donnent a voir un spectacle somptueux qui parvient à nous faire ressentir l'incendie, entendre le crépitement des flammes et voir le rougeoiment des braises.
Remarquablement dirigés par Guy Delamaotte, les comédiens incandescents évoluent dans la superbe scénographie de Jean Haas sans temps morts.
Parfois inégaux dans la première partie, ils parviennent à atteindre des sommets de densité dans la deuxième pour nous proposer des scènes d'anthologie. Le monologue de Miranda (Olivia Chatain) qui cherche son enfant est à ce titre un des plus beaux de la pièce et elle y est magnifique sans aucune sensiblerie.
Véro Dahuron nous régale une fois de plus de sa voix, de sa force et de sa singularité. Timo Torikka est éblouissant de puissance de jeu tandis que Thierry Mettetal, Mickaël Pinelli et Alex Selmane sont étonnants de conviction et de pugnacité. Leurs regards en disent long sur l'évolution de leurs personnages.
Tous contribuent à faire de ce "Tristesse animal noir" un grand spectacle ardent et grave. |