Réalisé par Rok Bicek. Slovénie. Drame. 1h52 (Sortie le 4 mars 2015). Avec Igor Samobor, Natasa Barbara, Tjasa Zeleznik, Masa Derganc, Robert Prebil Robert Prebil, Voranc Boh, Jan Zupancic et Daša Cupevski.
Le cinéma est propice aux découvertes. Pour la majorité des spectateurs, en effet, "L'Ennemi de la classe" de Rok Bicek sera l'occasion de voir pour la première fois un film slovène et même d'entendre parler cette langue.
Ils en profiteront également pour faire plus ample connaissance avec un jeune membre de l'Union européenne, rallié il y a peu à sa chère monnaie commune.
Dans ce petit condensé sociologique qu'est - quoi qu'il soit - un film, ils pourront aussi constater que la vie des lycéens slovènes n'est guère différente de celle de leurs homologues français. Ainsi, ils constateront que le prof d'allemand n'a pas plus la cote là-bas qu'ici, qu'il est synonyme de sévérité et qu'il en faut pour qu'il soit accusé des pires choses.
Mais, à la vue de "L'ennemi de la classe" de Rok Bicek, ils seront surtout en présence d'un film de qualité décrivant le moment où l'adolescence est si proche de s'achever qu'elle peut jouer de sales tours à de jeunes gens sensibles et fiévreux.
Il y a quelques semaines, un documentaire français, "Chante ton bac d'abord", brossait de manière délicate, un portrait de lycéens assez comparable à ceux que Rok Bicek confronte sans ménagement au suicide de l'une des leurs.
Devant ce drame inacceptable, un prof d'allemand rigoureux, peu empathique, cherchant à former des caractères plutôt qu'à générer une artificielle relation de copinage avec ses élèves, est l'idéal bouc-émissaire.
Ici, vingt ans après "Le jeune Werther" de Jacques Doillon où, dans une classe, chacun s'interrogeait sur les raisons qui avaient poussé un camarade à se suicider, il n'est plus question de profiter de cet acte désespéré pour réfléchir au vide existentiel consubstantiel à 'adolescence. Tout n'est donc que dans le rapport de force, que dans la désignation du responsable, du coupable.
"L'Ennemi de la classe" est un excellent "thriller" scolaire, une tranche de vie à suspense dans ce microcosme compliqué qu'est une classe.
Bien dessinés sans jamais être des caricatures, les ados de Rok Bicek assurent leurs contradictions, se jettent à corps et à cœurs perdus dans une virulente recherche de la vérité.
Grand acteur à la fois au théâtre et à la télévision, Igor Samobor leur fait face avec une force extraordinaire. Il transforme Robert Zupan, l'inquiétant professeur d'allemand qui insupporte ces élèves trop gâtés d'un bon lycée, en un être d'une force morale inouïe. Il ne serait guère étonnant, si à la suite de "L'ennemi de la classe" de Rok Bicek, ce grand acteur quittait Ljubljana pour des horizons plus internationaux.
De facture classique, mais jamais académique dans son traitement, "L'Ennemi de la classe" est un film qui mériterait un large public. Passionnant de bout en bout, il montre combien la Slovénie s'est rapprochée des pays de l'Europe occidentale, donnant, pour une fois, un sens au concept de cinéma européen. |