C'était la seconde soirée Chanson Française organisée par Les Beaux Esprits à la Dame de Canton.
Les Beaux Esprits, c'est d'abord un collectif d'artistes qui défendent la chanson française sous ses différentes formes, mais c'est aussi un état d'esprit. Loin du cirque médiatique, en marge de leurs tournées et de leurs projets respectifs, c'est un assemblage de personnalités qui ont décidé de se soutenir mutuellement, de travailler ensemble, d'initier des collaborations afin de mieux se surprendre les uns les autres, de provoquer des accidents, mais aussi de s'amuser. C'est d'ailleurs pour cela qu'on croise dans la salle quelques autres visages connus des amateurs de chansons comme Rosie Marie ou Patrice Mercier, et même Michael Wookey.
Ce soir-là, c'est Camille Saillant qui entre en scène en premier. La jeune femme au look garçonne et au timbre de voix légèrement voilé sort son premier EP le 10 mars prochain. Accompagnée par un nouveau guitariste, Thomas Hammje, ses chansons pensives et sensibles ont de quoi séduire. Parmi celles-ci, on retiendra "Acerola" avec lequel elle commence son spectacle, ainsi que le plus enjoué "Tu rouilles". Peut-être n'avait-elle pas encore trouvé les marques avec son nouveau guitariste, mais même si Camille Saillant semblait encore un peu empruntée sur cette date de la Dame de Canton, dans l'ensemble son set est solide et la voix bien posée. La soirée est lancée avec élégance.
C'est ensuite la québécoise Geneviève Morissette, qu'on connaît et suit depuis son passage au Festival International de la Chanson à Granby en 2012, qui poursuit ce co-plateau. Accompagnée par Emilie Marsh à la guitare, son show prend des couleurs rock. Dans une version résolument accrocheuse et âpre de "M'acheter un jet", les deux jeunes femmes, qui se sont rencontrées lors des rencontres d'Astaffort deux ans plus tôt, montrent une vraie complicité artistique. La voix et la folie de Geneviève Morissette est portée par l'énergie électrique déployée par Emilie Marsh. "Crise de nerfs" ou "La femme en beige" cueillent le public tant pour la tension musicale que pour les paroles savoureusement ironiques.
Geneviève et Emilie échangent, conversent, jouent ensemble. Autre résident d'Astafford en 2013, Oldelaf, pourtant en pleine tournée française, vient interpréter avec Geneviève leur duo enregistré trois semaines auparavant à Paris : "Comme dans un film". Les téléphones portables sont de sortie pour cette première en live parce que Oldelaf joue désormais à Paris dans des salles autrement plus grandes que la Dame de Canton. Après cette chanson d'amour et d'humour en franco-québécois, adoubée par le public, Geneviève Morissette termine son spectacle sur les chapeaux de roue. La québécoise, véritable tourbillon d'excentricité et d'authenticité, quitte la scène visiblement heureuse de l'accueil qui lui a été réservé.
Après un petit entracte, c'est l'artiste principale de la soirée, Garance qui clôture ce co-plateau. D'abord seule en scène avec sa guitare sèche, c'est de manière très sobre qu'elle défend les titres de son dernier EP, Les idées rock. Le ton est juste dans ces chansons qu'elle raconte comme des histoires, "Gare du Nord" ou "Mes cheveux blancs". Dans la philosophie des Beaux Esprits, elle est bientôt rejointe par la guitare électrique de Tomislav, chanteur et bluesman dans la langue de Molière. Cette guitare électrique donne un souffle bienvenu aux chansons de Garance, un peu trop sages en début de set. Puis c'est un duo inattendu avec Florent Nouvel, sur "Les gens qui doutent", qui se déroule sur scène. L'effet visuel est très réussi entre le chanteur comique de deux mètres et la frêle jeune femme. Garance a visiblement un public fidèle qui la suit et la soutiendra sans aucun doute lors du prochain Prix Moustaki, prix de l'album de chansons françaises autoproduit de l'année, pour lequel elle est finaliste.
Afin de terminer en beauté cette soirée, les trois chanteuses se retrouvent pour interpréter ensemble une version de "Quoi ma gueule" de Johnny Hallyday, une version qui ne se prend pas au sérieux mais réalisée avec professionnalisme en particulier dans les harmonies vocales. Puis vient le salut final, où tous les artistes qui ont participé à la soirée viennent saluer ensemble. Les Beaux Esprits montrent ainsi que, à côté des caméras de télévision, il existe une scène française riche, foisonnant d'idées, où les artistes s'entraident et sont solidaires.
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