Comédie dramatique de Peter Handke, mise en scène de Alain Françon, avec Pierre-Félix Gravière, Gilles Privat, Dominique Reymond, Stanislas Stanic, Laurent Stocker, Nada Strancar, Dominique Valadié et Wladimir Yordanoff.

Nombre d'auteurs et de romanciers, l'âge venu face à l'horizon de la finitude qui se rapproche, tourne le regard vers le passé pour un retour vers le pays de l'enfance et cède à la tentation de la trace et de la mythologie familiale.

En l'occurrence, Peter Handke, né en 1942, l'assume en indiquant s'être inspiré de Shakespeare, "qui écrivait sur des faits devenus légendaires", pour raconter l'histoire de ses ancêtres. Du moins celle des deux générations qui l'ont précédé, celles de sa lignée maternelle à défaut de parentèle masculine, le clan, la petite tribu slovène vivant sur son lopin de terre en Carinthie, dans le land autrichien du Jaunfeld.

La famille c'est un père charpentier (Wladimir Yordanoff), une mère au foyer (Nada Strancar), trois fils, Valentin le coureur de jupons (Stanislas Stavic) et Benjamin le plus jeune (Pierre-Félix Gravière) qui n'aura rien connu de la vie, engloutis par la guerre, et Gregor (Gilles Privat), l'amoureux des pommes qui sera l'oncle-parrain.

Et deux filles, Ursula (Dominique Valadié), la sombre, la laide, l'acariâtre, la vieille, qui rejoindra le camp des partisans anti-nazis et la belle, la lumineuse, la mère du narrateur (Dominique Reymond), celle qui parle la langue slovène pure, emblème magnifié des origines.

Construite en cinq chapitres calqués sur la structure dramatique classique, la partition narrative polyphonique de "Toujours la tempête", titre emprunté à une didascalie du "Roi Lear", qui repose sur une évocation des ancêtres par l'auteur-narrateur, campé en l'espèce par Laurent Stocker, constitue un hymne à la terre natale, une ode à la langue comme fondement identitaire et une partition mémorielle.

Peter Handke aborde notamment les thématiques de la langue comme fondement identitaire, l'attachement au pays natal, la résistance de la minorité paysanne à la germanisation imposée, le tribut payé pendant la Seconde guerre mondiale - enrôlement forcé dans l'armée allemande, déportation, déplacement de population - et la résistance anti-nazie qui fut stigmatisée par ses accointances avec les forces du maréchal Tito.

Alain Françon assure une mise en scène oscillant entre réalisme anecdotique, anachronisme, les élégantes robes de ville de la mère idéalisée alors qu'elle vit dans une modeste ferme, et convocation de fantômes.

Dans un décor minimaliste et particulièrement laid, conçu par Jacques Gabel, composé d'un seul plateau incliné représentant la douce terre slovène réduite à une lande sablonneuse parsemée de d'herbe pelée, officie une distribution de haut vol qui satisfait au cahier des charges.

Pour les spectateurs appréciant les sagas familiales confrontées à la tourmente de l'Histoire.