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Ciné XIII Théâtre  (Paris)  mars 2015

Monologue dramatique de Leonard Nimoy dit par Jean-Michel Richaud dans une mise en scène de Paul Stein.

Le décor et le costume sont attendus et sans importance : ils symbolisent le temps où vivait Vincent. Seul un écran avec un tableau détonne un peu.

L'homme qui gagne la scène est lui aussi attendu : c'est Théo, le frère. Barbu comme Vincent, il ressemble assez à ses autoportraits. Tiens, d'ailleurs, une question vient en tête : a-t-il été peint par son illustre cadet ?

La pièce de Leonard Nimoy ne le dira pas et quand Théo commence à parler sur le ton de la confidence plutôt que sur celui de la conférence, il semble que tout ce qu'il va dire sera attendu. Et si ce sera le cas pour tous les spectateurs qui ont la connaissance de tout le monde sur le génial impressionniste, cela n'aura pas beaucoup d'importance.

Car "Vincent" a l'immense qualité de surprendre avec tout ce qu'on sait, tout ce qu'on attend. Avec une grande simplicité teintée de pudeur, Théo va en effet peindre son frère tel qu'il le voit, tel qu'il l'aimait. Son portrait sera loin de la légende, du mythe de l'artiste maudit. Il ne s'agit pour Théo d'un plaidoyer pour rétablir la vérité puisque la pièce se déroulant quelques jours après le drame d'Auvers, Van Gogh n'est encore qu'un peintre inconnu.

Ce qu'il montre et démontre pendant une heure, c'est qu'un homme épris d'idéal, rêvant de beauté et d'humanité, vient de disparaître. Il ne cache pas que cet homme était malade, souffrait cruellement d'une raison pouvant défaillir à chaque instant.

L'essentiel est là : Van Gogh était un grand artiste que la folie perturbait et pas un fou que sa maladie rendait génial. C'est presque sacrilège pour ceux qui aiment la thèse construite après, celle d'un bohème victime de l'incompréhension des bourgeois, ces philistins qui haïssent les artistes. Pierre Bourdieu, entre autres, a montré comment cette théorie radicale, faussement "anti bourgeoise" servait les marchands, ceux qui feront de Vincent un produit spéculatif.

Jean-Michel Richaud, mis en scène par Paul Stein, compose un Théo qui ne s'emporte pas, sauf peut-être contre Paul Gauguin qu'il estime le mauvais ange de son frère. Il dit avec assurance qui était Vincent Van Gogh. Il y a parfois en lui de la compassion et une forme de tristesse pudique. "C'était un homme, c'était mon frère".

C'est avec une émotion retenue mais réelle qu'il fait passer le message que voulait faire passer Leonard Nimoy, qui vient de disparaître il y a quelques semaines. Celui qui se révèle avec ce texte adapté de la pièce "Van Gogh" de Philip Stevens, comme enfin autre chose que Mr Spock, le Vénusien de Star Trek, réussit donc à convaincre chaque spectateur, quel qu'il soit, qu'il y a en lui quelque chose de Van Gogh et que celui-ci peignait pour lui, pour tous ses frères humains.

Une réussite qui grandit le cœur et l'âme.

 

Philippe Person         
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