Le Musée des Arts décoratifs accueille l'exposition-rétrospective consacrée à Piero Fornasetti qui a été présentée en 2013 au Triennale Design Museum de Milan à l'occasion du centenaire de sa naissance.

Intitulée "Piero Fornasetti - La folie pratique", elle rend hommage à l'oeuvre foisonnante et haute en couleurs du peintre et dessinateur, graveur et imprimeur, designer, collectionneur, styliste et artisan italien dont le succès fut à son apogée dans les années 1950-1960.

Les galeries latérales de la Nef regorgent de plus de mille pièces, objets décoratifs, vaisselles, peintures et mobiliers qui sont présentés dans une scénographie inspirée du "studiolo" et minutieusement élaborée par Giulio Albertazzi

Elle scande le parcous chronologique conçu par Barnaba Fornasetti, le fils du designer, de points d'orgue tel, dans la nef, avec une vision panoramique sur les pièces phares que constituent les "trumo", et les paravents

Piero Fornasetti : la fantaisie ornementale

Le titre de l'exposition reprend une expression de Piero Fornasetti qui qualifiait son travail de "folie pratique" par son inclination à "mettre la raison au service de la déraison", et la déambulation muséale permet de constater que son univers créatif est celui de la fantaisie.

Une fantaisie polysémique, synonyme d'imagination libre sans contrainte ni assujettissement à la mode du temps et de singularité qui devient une signature, assortie d'un humour ludique. Ainsi, au rationalisme fonctionnel qui sévit à son époque, il oppose un maniérisme ornemental qui intègre l'exubérance néo-baroque.

Piero Fornasetti, érudit féru de culture classique qui se définissait comme "pré-post-moderne", puise son inspiration, en premier lieu, dans l'Antiquité romaine et les récurrences du retour à l'antique notamment dans l'art du Quattrocento, et une iconographie résolument italienne, pour en décliner les fondamentaux dans les arts décoratifs.

Par ailleurs, de sa formation d'imprimeur, il hérite du goût pour l'iconologie encyclopédique tant du 18ème que du 19ème siècle, avec ses planches naturalistes et botaniques, ainsi que de l'impression lithographique en noir et blanc qui présidait encore au début du 20ème siècle.

Ainsi, il a été fasciné par le visage de la soprano Lina Cavalieri qu'il considère comme l'archétype moderne d'une beauté classique qui a traversé les siècles.

Son effigie devient un motif emblématique dont la répétition obsessionnelle conduit à la pléthorique série "Variations de Lina" sur assiette.

Des assiettes qui virevoltent dans une jolie mise en espace cosmique.

Ces deux sources lui fournissent un thésaurus de motifs à partir duquel il va constituer son registre décoratif composé notamment de figures de la statuaire, ruines, représentations architecturales, instruments de musique, astres, cartes à jouer, et tous les objets d'histoire naturelle, fleurs, fruits, légumes et animaux.

Sa technique est celle du motif appliqué, en l'occurrence une lithographie appliquée sur des objets en trois dimensions, ce qui donne un aspect visuel très particulier et qui procède de la transposition aux arts décoratifs du genre pictural du trompe-l'oeil.

En effet, son approche artistique, n'est pas que pur décorativisme car il use de procédés "illusionnistes" - effets d'échelle, faux semblants, jeux graphiques - pour créer des objets qu'il compare à "des billets de voyage vers le royaume de l'imagination".

Ils sont également investis d'une charge métaphysique quand, appliqués aux meubles et paravents - voir à ce titre sa "Stanza Metafisica" pièce de méditation modulable - ils induisent un jeu de rapport spatial entre l'intérieur et l'extérieur.

Piero Fornasetti pratique avec une virtuosité stylistique la variation sérielle autour d'une référence esthétique ou d'un motif.

L'exposition présente un panorama conséquent de son travail sur les assiettes avec les séries qui déclinent ses thématiques de prédilection, des profils de médaille antique aux articles de journaux en passant par les fruits, et les sirènes et quelques unes de la série puzzléique "Adam et Eve" qui représentaient leur corps en 24 fragments en grisaille.sur fond doré.

De même avec la salle présentant un superbe défilé de plateaux dont certains s'inscrivent dans le genre de la nature morte.

Erigeant l'ornement comme élément structurel du design, Piero Fornasetti manifeste une tendance à la théâtralisation des objets du quotidien, tant ceux qui se prêtent à l'ornementation comme la vaisselle ou les objets décoratifs.

Mais également ceux purement fonctionnels, tel le plateau, et ceux qui se veulent traditionnellement plus discrets à l'instar du porte-parapluie.

Par ailleurs, il sait mettre en scène le décor quand il crée des intérieurs sur le principe "ameublement et décoration total" pour des demeures et lieux d'exception comme le casino de San Remo ou le paquebot Andrea Doria.

Si à l'unité dans un intérieur de vie quotidienne, ses créaporttions ement la conviction en ce qu'elles apportent effectivement une bienvenue touche de fantaisie voire de poésie, l'adoption du "total look Fornasetti" est réservée à des amateurs ultimes.

Le Studio Fornasetti n'a pas disparu au décès de Piero Fornasetti en 1988.

Son fils Barnaba formé à la Brera Fine Arts Academy perpétue son oeuvre avec la réintroduction sur le marché des pièces historiques tout en enrichissant le catalogue de créations contemporaines conçues dans l'esprit originel qui sont présentés en clôture de l'exposition.

Mais certaines pièces sont astucieusement instillées dans les autres salles et bien malin celui qui les repèrera sans lire le cartel.