Dix ans après son premier opus, Our Worn Shadow, Chris Cole alias Manyfingers, qui a notamment collaboré à plusieurs reprises avec l’immense Matt Elliott, nous livre un nouvel album riche et ambitieux, The Spectacular Nowhere, qui sort fin avril sur le label Ici d’ailleurs.
Bande Originale d’un film dont l’unique copie VHS serait perdue depuis des lustres dans la bibliothèque poussiéreuse d’un manoir élisabéthain, voilà comment on pourrait présenter ce disque aux arrangements complexes et subtils, dans lequel le lyrisme, le rock et le romantisme s’entremêlent en une poésie sonore très personnelle.
PLAY. Ouverture des portes du manoir. Cordes majestueuses et incisives. "Ode to Louis Thomas Hardin", clin d’œil et hommage à l'énigmatique compositeur américain au casque de viking, Moondog. Brutalement, on bascule dans l’atmosphère lourde et asphyxiante de "The Dump Pickers of Rainham", où la voix saturée de David Callahan (Moonshake / Wolfhounds) surnage au-dessus d’un tourbillon de percussions, de cuivres et de larsens. Le baroque a laissé la place à l’électrique. Le ton est donné. Lorsque le troisième morceau débute sur un doux piano, quelques notes de flûte, des légers chuchotements puis une voix féminine en apesanteur, on comprend que ce n’est que le début d’un long voyage dans l’univers riche en couleurs de Manyfingers. PAUSE.
Jusqu’à la dernière seconde, le disque étonne par sa capacité à se renouveler et à nous surprendre, à passer de compositions instrumentales très léchées à des titres chantés, presque pop, aux refrains accrocheurs. Chris Cole surprend par son aisance à mélanger instrumentation orchestrale (cordes et pianos de toute beauté) et sonorités plus modernes (batteries très compressées, saturations).
On se remémore dans la traversée certains albums de Tom Waits, certains échos de solitude de Damon Albarn (Everyday robots). Bref, un de ces albums qui vous embarquent profondément, qu’on laisse reposer, et dont la richesse s’apprivoise petit à petit à chaque écoute.