Peïo, c’est le nom de scène de ce poète un peu rêveur, un peu voyageur. L’histoire raconte qu’il n’a pas pu assurer l’entière promotion de son premier album, d’où un succès mitigé (ne cherche pas d’excuse, ils n’y connaissent rien, voilà tout… et ce monde est impitoyable, oui).
Peïo ne baisse pas les bras, Peïo est têtu comme un gaulois, pas à pas, Peïo se replonge dans les délices de la création et nous offre un second album, tout en délicatesse et en ondulations tribales : I NI CE. Et en mélancolie, douce et amère.
Le malheur a ça de bon qu’il nous fait reconnaître nos amis, et les amis de Peïo sont musiciens, une joyeuse bande de Mermaids (Alex Tolub, Toma Milteau, Pierre Sangra, Gabriel Druot, Julien Lefevre, Gaëtan Boudy et Julien Simiand… je crois que je n’ai oublié personne), certainement rieurs et rêveurs. Avec un certain talent pour tâter de la corde également. C’est grâce et avec eux qu’il a enregistré cet album composé de toutes parts par ses petites mains pleines de doigts et ses oreilles affutées comme un vent salé.
I NI CE veut dire merci en bambara. Et c’est peu de dire que l’album entier respire la douceur sensible que seuls les détenteurs d’une âme peuvent inspirer. Car Peïo est l’heureux détenteur d’un prix pour poète, et soyez certain qu’il ne l’a pas volé. Et peu importe que ce prix date un peu, sa poésie n’a rien d’obsolète. Elle penche plutôt vers l’intemporel et l’universel.
Au-delà de la musique africano-malienne, franco-raffinée, poético-bienveillante, en cordes et en cordelettes, la musique de Peïo est l’invitation au voyage, au-delà des mers, plus haut, plus loin, de la balade dominicale autour du lac au cheminement intérieur, I NI CE est une évasion, un regard tourné vers l’horizon. Un bel horizon, un coin de ciel sans nuage, un apaisement entre les tourments, une paix de l’âme réconciliée. Et ça fait du bien. Sans la culpabilité d’avoir avalé des mauvaises calories avant le twiki-beki-bikini.
Sans naïveté ni mièvrerie, Peïo sait concilier mélancolie passéiste et désir d’avancer. Et ça, c’est diablement sexy. Chanté en français et joué en africain avec un N’goni, "instrument aérien doté d’une âme", l’album lace le lien du beau et du douloureux.
Un instant, s’adonner à la contemplation positive :"Je reste émerveillé de ces paysages subtils, je reste émerveillé de la force de la vie, de ce souffle qui suffit" ("Je reste émerveillé") ; se laisser aller à une triste mélancolie pour faire revivre les disparus dont l’absence nous creuse chaque minute : "son sourire enfouira mon cœur sous des cendres brûlantes, rejoindre les étoiles au plus près de toi" ("Libre").
Le destin, la tristesse de la séparation, le deuil, l’acceptation, le goût qui reste, les souvenirs qui flottent comme un monde où se réfugier… C’est la vie dans tous ces états que nous conte Peïo, de ce qu’elle a de plus cruel à ce qu’elle déploie comme subterfuge pour nous faire l’aimer passionnément.
Dans cet album, j’ai trouvé une douce ambiguïté entre la vie et la mort, là où la perte est relativisée par ceux qui restent, mais non moins douloureuse. J’ai trouvé une douceur de vivre au contact d’éléments aussi ancestraux que le vent ou les montagnes sculptées dans le temps. J’ai trouvé une forme d’apaisement face à la culpabilité, un arrêt sur tendre image. Un album qu’on récolterait sur le chemin du mieux, une sagesse gagnée au fil de la vieillesse.