Organisée par la Réunion des musées nationaux-Grand Palais et le Musée national du Palais de Compiègne et en partenariat avec le Château royal de Varsovie, l'exposition "Napoléon 1er ou La Légende des Arts" propose une immersion réflexive dans le style Empire.

En effet, nonobstant le titre de l'exposition, l'effervescence artistique et le renouveau des arts sous le Premier Empire ne concerne pas tant les beaux-arts, la peinture et la sculpture ressortissant à l'art du portrait ou au soutien de l'épopée napoléonnienne, mais aux arts décoratifs.

Et les commissaires Anne Dion-Tennebaum, conservateur en chef au département des Objets d’art du Musée du Louvre, et Hélène Meyer, conservateur en chef au Musée national du palais de Compiègne, ont conçu un parcours en trois sections qui, dans une scénographie claire de Loretta Gaïtis, revient sur certaines idées reçues.

A savoir que le style Empire, qui ne résulte toutefois pas d'une novation radicale, n'est pas monolithique et revêt le caractère d'un style de transition, certes affirmé, qui pose déjà les jalons vers la modernité.

Le Style Empire dans tous ses éclats

Dès le prologue, la figure de l'empereur peint par Gérard dans son costume de sacre qui n'est pas sans évoquer, n'étant la tête ceinte de la couronne de lauriers, tant par la posture, que par sa parure d'hermine, de pourpre, et de broderires de fil d'or, les portraits royaux de l'Ancien Régime, et la mise en résonance les sièges du début du 19ème siècle signés par Jacob-Desmalter et Marcion, les ébénistes-phare de l'époque, et ceux de style Art déco créés au début du 20ème par le décorateur Jacques-Emile Ruhlmann, annoncent et synthétisent le propos.

Annoncé par le style Directoire, avec la prédilection pour l'acajou et l'apparition des ornements de fantaisie tel les piètement de figures animales en ronde-bosse, et par la richesse affichée avec l'introduction du bois doré sous le Consulat, le style Empire va s'imposer par la volonté impériale qui n'est pas un pur mécénat artistique.

Car pour Napoléon, l'art est un instrument de gouvernement, outil de politique économique par le soutien des industries et du commerce des métiers d'art malmenés par la Révolution et sociale par l'impact sur l'emploi avec les grandes commandes d'Etat pour remeubler toutes les résidences officielles, un marqueur social pour consacrer la nouvelle aristocratie qu'est la noblesse d'empire et les nouvelles fortunes "bourgeoises" et un instrument de propagande au service du prestige national et, non accessoirement, de la gloire impériale.

Le style nouveau, qui se doit de conjuguer raffinement et frivolité avec luxe, et surtout, un luxe ostentatoire, va naître de la déclinaison des valeurs sûres existantes, par des artisans au savoir-faire établi sous l'Ancien régime, et notamment du néo-classicisme, résultant d'un goût pérenne pour l'antique, mais en substituant la surabondance décorative au minimalisme ornemental.

Le cahier des charges est précis : somptuosité, avec un mobilier massif aux formes simples et aux lignes imposantes réalisé en bois précieux d'acajou, et luxe ostentatoire avec le développement du bois doré et la profusion de bronze doré pour l'ameublement et la richesse décorative pour signifier le faste de la vie de cour qui se traduit également par le raffinement de l'art de recevoir.

Aux manettes, les duettistes architectes et décorateurs Pierre-François Fontaine et son camarade d'études Charles Percier, qui sont également sollicités pour l'ambitieuse restructuration de la capitale projetée par l'empereur, sujet de l'exposition concomitante "Napoléon et Paris - Rêves d'une capitale" au Musée Carnavalet.

Aux "établis", notamment, les ébénistes Jacob-Desmalter et Pierre-Benoît Marcion qui initient de nouvelles lignes, le bronzier Claude Gallé et les orfèvres dont Auguste l'ancien orfèvre du roi.

L'Empire voit également la renaissance de l'industrie soyeuse et la relance de la production de porcelaine au sein de la Manufacture de Sèvres chargée d'élaborer des pièces de prestige et de vaisselle d'apparat.

Ainsi en est-il des services à décor doré et "à vues" tels le service dit "des quartiers généraux" et celui du "cabaret égyptien" qui figureront sur la liste des "bagages" de Napoléon quand, après son abdication, il envisage de s'établir en Amérique, projet qui fait l'objet de l'exposition "Cap sur l'Amérique - La dernière utopie de Napoléon" au Musée national des Châteaux de Malmaison et Bois-Préau.

Au plan iconographique, la revivification de l'égyptomanie et de l'orientalisme font évoluer le répertoire ornemental dans lequel perdurent néanmoins les motifs du 18ème siècle propres à l'inspiration antiquisante et à la veine florale, synonyme de légèreté décorative, en vogue pour les intérieurs féminins.

Sur ce point, l'exposition évoque largement les ambassadrices - et égéries - du nouveau régime que sont Juliette Récamier, icone de la mode, et, en premier lieu, Joséphine de Beauharnais qui assurent la diffusion du nouveau style et donnent le ton de la mode.

Ainsi sont présentés une sélection des sièges de la fameuse chambre dans laquelle recevait Mme Récamier et un ensemble de pièces qui meublaient les appartements de l'impératrice Joséphine dans les différentes résidences impériales.

La présentation du mobilier dit "ordinaire", par opposition au mobilier d'apparat, émanant des mêmes ébénistes, et qui se caractérise par une simplicité des formes mise au service de la fonctionnalité, atteste d'un style au seuil de la modernité.

Par ailleurs, les oeuvres de peintres qui portent encore le style Troubadour né avant la Révolution tel Fleury-Richard ('(La reine hortense", "La déférence de Saint Louis pour sa mère") et Pierre Révoil ("Le tournoi") ou s'inscrivent dans le courant pré-romantique comme Pierre-Paul Prud'hon ("Le flambeau de Vénus") battent en brèche le néo-classicisme représenté par Girodet.

Un conseil : inscrire cette exposition au programme d'une journée dédiée au Palais de Compiègne situé entre ville et forêt, lieu de destination idéale des week ends printaniers et estivaux, qui incluera la visite des appartements historiques et une promenade dans le parc avec, en ntermède, une pause au salon de thé installé dans la serre du Jardin des Roses avec sa collection de roses anciennes à découvrir de mi-avril à mi-octobre.