Fable tragi-comique d'après l'oeuvre éponyme de Bertold Brecht, mise en scène de Jean-François Sivadier, avec Nicolas Bouchaud, Stephen Butel, Eric Guérin, Eric Louis, Christophe Ratandra, Lucie Valon, Christian Tirole et Nadia Vonderheyden.
Jean-François Sivadier reprend le spectacle, toujours présenté avec succès depuis sa création en 2002, "La vie de Galilée" adapté de l'oeuvre éponyme de Bertold Brecht qui, à partir d'une biographie théâtrale du mathématicien, physicien et astronome italien Galileo Galilei, une des figures de la science moderne, s'érigea contre l'immobilisme des systèmes de pensée hérités de l'Antiquité, dont les principes de l'école aristotélicienne et le système ptoléméen, qui servaient de fondement au pourvoir théocratique.
Dans cet opus considéré comme une pièce testamentaire traçant, de surcroît, un autoportrait de son auteur, Brecht traite des thématiques de l'obscurantisme, de la résistance aux dogmes de toutes natures, tant scientifiques, politiques que religieux, par la pratique de l'art du doute, c'est-à-dire du discernement face à la vérité officielle imposée par les dictatures, de l'engagement face au péril de sa vie ainsi que de la nécessaire exploration permanente du territoire théâtral.
Jean-François Sivadier "revisite" la partition originale, qu'il qualifie de "farce sur le jeu de la raison et de l’imagination", dans la version française traduite par Eloi Recoing avec la collaboration artistique de Nicolas Bouchaud, Véronique Timsit et Nadia Vonderheyden, ce qui se traduit, entre autres, par l'introduction de références au désordre du monde contemporain et de scènes surnuméraires tel, en guise d'introduction ludique, de l'amusant prologue en forme de mime des Ambassadeurs.
Et il inscrit sa mise en scène dans le registre du théâtre populaire dont il use des codes esthétiques, avec, évoquant le théâtre de foire, un immense praticable en caillebotis avec ses trappes à malices, scénographie qu'il a conçu avec Christian Tirole, et qui, au gré des différents tableaux, se désosse pour constituer des éléments d'un décor sommairement suggéré.
Dans cette belle et bien rodée machine à jouer, se déploient sept comédiens - Lucie Valon, Nadia Vonderheyden, Stephen Butel, Eric Guérin, Eric Louis, Christophe Ratandra et Christian Tirole - qui interprètent les nombreuses figures qui gravitent autour du personnage-titre incarné par Nicolas Bouchaud.
Ce dernier campe un Galilée moderne qui n'est pas le barbon figé dans la posture du savant des siècles passés dans sa tour d'ivoire mais un homme de chair et un scientifique éclairé, à l'image du défunt physicien Pierre-Gilles de Gennes par exemple, qui vise à la vulgarisation des connaissances et à l'ouverture des consciences.
Et il fait merveille dans ce rôle qui, en l'espèce, en appelle à la maîtrise du métier et de l'art du comédien par toutes les nuances de jeu sollicitées, de la farce au drame en passant par l'émotion sensible, qui soutiennent un propos à la résonance intemporelle pour lequel Jean-François Sivadier évite judicieusement le cantonnement dans une excessive gravité comme la pesanteur souvent attachée aux mises en scène brechtiennes.
La troupe oeuvre donc au diapason dans une dynamique jubilatoire impulsée par Nicolas Bouchaud, toujours inspiré et électrique dans les partitions sollicitant l'esprit, qui hybride magnifiquement le souffle du verbe dramatique et la fougue du bateleur.