Il est assez tentant et beaucoup trop facile de qualifier les explorations sonores de Jaga Jazzist comme étant simplement de la musique jazz. Bien sûr, on retrouve cette liberté, le développement d’une expression, l’expérimentation, une sonorité, un phrasé, les interactions entre les musiciens du groupe, mais on se trouve plutôt ici à la fusion des genres, entre électronique, post-rock et musique progressive (non, ce n’est pas un vilain mot !).

On peut dire qu’en 20 ans d’existence, avec cinq albums studios éclectiques et passionnants, un live, des EP, le groupe / collectif Norvégien (ils sont huit musiciens et n’ont connu que peu de changement de line-up) est devenu l’un des fers de lance du label Ninja Tune et l’un des précurseurs du renouveau jazz scandinave.

Jaga Jazzist fait partie de ces groupes qui ne ressemblent à aucun autre, qui sortent des disques qui ne ressemblent à aucun autre (autant que faire se peut...) et qui ne doivent ressembler à rien de ce qui a été fait précédemment. Starfire sera donc plus électronique, moins expérimental, plus facile d’accès, plus confortable, son enregistrement à Los Angeles y étant sûrement pour quelque chose.

A notre époque, ce genre de conception de l’écriture, de l’aventure musicale est une vraie profession de foi. Un manifeste encore d’actualité avec ce Starfire, fait de longues plages (entre 6 et 14 minutes) lyriques, planantes, elliptiques et répétitives, complexe dans sa structure et quelque part croisement entre Sun Ra, Pierre Henry, Tortoise, Steve Reich, Flying Lotus, Matching Mole et Kraftwerk. Une sorte d’après big bang, une transe spatiale où les étoiles plongent dans un océan nébuleux, où derrière la musique électronique et les guitares, la flûte, la clarinette basse prennent des couleurs Ravéliennes voire Debussystes (dans "Shinkansen" par exemple).

Plus proche de la forme sonate que du couplet refrain, Starfire est tournoyant, méticuleux et tentaculaire (parfois trop peut-être il faut du temps pour commencer à comprendre tous les enjeux de cette musique…) mais il reste toujours foncièrement mélodique. Une étoile noire, un beau moment musical.