Réalisé par Mathieu Denis. Canada. Drame. 1h59 (Sortie le 2 septembre 2015). Avec Anthony Therrien, Antoine L'Ecuyer, Karelle Tremblay, Tony Nardi, Marie Brassard, Jean-François Pronovost, Dino Tavarone et Francis Ducharme.
"Insoumis" de Mathieu Denis raconte un moment-clé de l'histoire moderne du Québec : celle où, au cœur des années 1960, la "Belle province", encore politiquement endormie, s'est réveillée à l'Histoire avec l'existence d'un mouvement indépendantiste prêt à passer à l'action terroriste.
Le tragique destin de Jean Corbo, 16 ans, qui explose avec sa bombe marque le départ d'une série d'actions radicales du "Front de Libération du Québec" (FlQ) exprimant le malaise de la minorité francophone au Canada.
Comme les Français connaissent mal ces événements, le film de Mathieu Denis sera pour eux l'occasion de découvrir comment a pris forme l'idée de l'indépendance québécoise.
De facture classique, "Insoumis" raconte de manière linéaire le court parcours de Jean Corbo, entre le moment où il découvre l'existence de nationalistes idéalistes qui veulent à la fois libérer le pays de la domination anglo-saxonne et transformer la société,et celui où son destin va s'accomplir.
D'origine italienne, Jean Corbo est d'abord marqué par ce qu'il est advenu à son père et à son grand-père pendant la guerre. Il ne supporte pas qu'ils aient été internés et traités comme des traîtres potentiels. Il ne supporte pas non plus qu'ils aient refoulé ce traitement inique et que son père, exemple de self made man, ait épousé la cause du parti libéral.
Clair dans son approche politique, "Insoumis" de Mathieu Denis reconstitue sans trop de didactisme, cette année 1966 capitale pour l'avenir du "Québec libre". Incarnés par des acteurs chevronnés, les Corbo cristallisent les contradictions québécoises. Ainsi, Jean accepte difficilement de se sentir "italo-canadien", refuse le communautarisme comme viatique et, bien que victime du racisme latent contre la minorité italienne, se construit comme "Québécois".
Dans cette reconstitution très crédible des années soixante, Mathieu Denis décrit comment les jeunes québécois ont vécu cette époque de contestation généralisée, comment le besoin de se débarrasser de la chape de plomb paternaliste et catholique a été vecteur pour certains d'une radicalité extrême.
Anthony Therrien, du haut de ses seize ans, s'impose en Jean Corbo. Pas besoin de savoir s'il y a une ressemblance physique avec son personnage, la moue déterminée et le regard sévère qu'il pose sur tout ce qui l'entoure doit bien être ce qui animait Corbo.
Ce jeune homme qui va inexorablement vers une mort précoce et injuste frappe encore aujourd'hui les esprits. Aller jusqu'au bout pour une cause qui ne s'autorise pas la barrière de la violence n'a pas bonne presse. Pourtant qu'on puisse mourir pour ses idées est infiniment respectable à l'heure où ceux qui refusent la violence ont troqué les leurs pour des plats de lentille ou des postes ministériels.
"Insoumis" de Mathieu Denis n'est pas une apologie du terrorisme puisqu'il montre comment les idéologues du FLQ utilisent le sacrifice de Jean Corbo, mais cela ne l'empêche de saluer en lui tous les idéalistes au cœur pur qui manquent cruellement de nos jours. |