Depuis la prise de fonction de son nouveau directeur, Patrice de Carolis, le Musée Marmottan-Monet s'est engagée dans une politique muséale particulièrement dynamique, enchaînant, en alternance, exposition monographique ou thématique, telle celle consacrée à la représentation de la toilette ("La toilette-Naissance de l'intime"), et monstration d'oeuvres détenues dans des collections privées.
Dans le cadre de cette dernière, qui correspond selon les termes de Patrick de Carolis à "l'ADN" du Musée Marmottan-Monet dont la création et l'enrichissement du fonds proviennent essentiellement de donations d'oeuvres de collections particulières, sont dévoilés les fleurons de la Collection Arthur et Hedy Hahnloser-Bühler détenue par le musée d'art Villa Flora à Winterthur créé par leurs descendants.
Un florilège de près de 80 oeuvres, principalement des peintures, sélectionnées par les commissaires de l'exposition, Marianne Mathieu, chargée des collections du Musée Marmottan-Monet, et Angelika Affentranger-Kirchrath, conservatrice au musée d'art est proposé au public sous le titre "Villa Flora - Les temps enchantés".
Cette exposition invite non seulement à une immersion dans l'Histoire de l'Art des trois premières décennies du 20ème siècle, mais également à voir les oeuvres de peintres majeurs de la période post-impressionniste qui, pour la plupart, sont présentées pour la première fois en France.
La Belle Epoque de la Villa Flora
Cette exposition, dépourvue de propos scientifique, vise à rendre compte de la spécificité de la démarche
des Hahnloser-Bühler, qui correspond à celle de nombre de grands collectionneurs privés de leur temps qui, en marge des salons officiels et de l'art académique, se veulent des acteurs de l'art des avant-gardes, non dans un but ostentatoire ou spéculatif mais pour l'amour de l'art et dont les collections, resituées dans leur environnement historique, témoignent de leur goût qui, rétrospectivement, s'avère éclairé.
Sous l'impulsion de Heidi Hahnloser-Bühler versée en arts décoratifs et passionnée par la création artistique, le couple s'investit dans le choix d'oeuvres qui correspondent à leur goût, à leur sensibilité émotionnelle et à leurs aspirations - ce qu'elle nomme "le besoin irrépressible de regarder le monde à travers les yeux d’un maître" - et dans lesquelles ils trouvent la transcription picturale.
Le couple acquiert les oeuvres auprès des galeristes et marchands d'art mais également directement auprès des peintres avec lesquels ils nouent des relations d'amitié et leur demeure, la Villa Flora, qui fait également office de galerie et même d'atelier, devient une "maison d'artistes" car érigée en lieu de rencontres et de partage avec les artistes qui y séjournent en villégiature.
Ce qui a orienté le choix des commissaires pour un parcours en sections monographiques.
Les premières salles en enfilade consacrées essentiellement à Félix Vallotton, offrent une belle vue en ligne de fuite vers une des oeuvres magistrales d'un de leurs peintres de prédilection, "La Blanche et la Noire" vue dans la récente exposition "Félix Vallotton - Le feu sous la glace".
Tout comme "Le chapeau vert" qui, après une de ses fameuses baigneuses, est placés en vis-à-vis de paysages dans la composition desquelles se perçoit l'influence de l'art de l'estampe avec la perspective de l’ukiyo-e ("'La charrette" et "Le lac Saint James").
Un large panoptique est consacré à Pierre Bonnard, autre peintre-phare de la collection, avec nombre de scènes d'intérieur et de paysages au rang desquels le magnifique "Effet de glace-Le Tub" et "L’embarcadère de Cannes" qui est repris pour l'affiche de l'exposition.
Au gré des autres salles, le visiteur pourra admirer quelques chefs d'oeuvre des peintres qualifiés de "grands précurseurs" - tels "Les Toits" de Cézanne, "L’Amazone" de Manet et "Le Semeur" de Van Gogh - dont la carrière était déjà achevée lorsque cette collection a été initiée et qui n'en constitue pas le coeur.
Le groupe des Fauves est présent notamment avec Henri Manguin ("La sieste", "Aloès à Cassis" et "La Flora" exposée en prologue à l'exposition avec le portrait de ses propriétaires réalisés par Vallotton, Matisse ("Nice, chier noir"), et Albert Marquet ("La Fête nationale au Havre" et "Le port de Saint Tropez").
Par ailleurs, l'oeil du visiteur averti ne manquera pas de débusquer des toiles qui, par leur genre, constitue une rareté ou une production atypique dans l'oeuvre d'un peintre.
Ainsi en est-il d'un des rares nus de Édouard Vuillard ("Nu dans le salon rayé") et des sages bouquets de Odilon Redon, le peintre des noirs et des rêves, oeuvres tardives résultant de sa métamorphose picturale.
Enfin, peut-être revenir sur ses pas pour voir les oeuvres des deux peintres suisses qui inaugurèrent la collection : Giovanni Giacometti, le père de Alberto, avec des natures mortes éclaboussées de couleur face aux paysages glaciaires de Ferdinand Hodler. |