Spectacle de marionnettes conçu et mis en scène par Grégoire Callies interpréte par Grégoire Callies et Marie Vitez.
Plus personne, désormais, ne résume le théâtre de marionnettes au castelet de Guignol. Pas étonnant, donc, que Grégoire Callies se soit emparé en 1992 de "Léonce et Léna" de Georg Büchner pour en donner une version "jouée" par des marionnettes.
Plus de vingt ans après cette création, il propose une nouvelle adaptation de la pièce écrite par le météore du romantisme allemand mort à 23 ans.
Sans doute le mauvais air du temps est beaucoup dans son envie de raconter l'histoire d'un prince ayant refusé un mariage forcé et qui tombe amoureux d'une jeune fille qui n'est autre que la princesse qu'on lui destinait. Car, derrière ce scénario assez bêta, se cache une vraie critique par Büchner d'une oligarchie oisive et de ses enfantillages payés au prix fort par un peuple qui trime dur.
Eh oui ! Un maître de marionnettes peut encore croire à la lutte des classes et même la montrer à l'aide du grand "bahut" créé par Jean-Baptiste Manessier. Ainsi, pendant que les marionettes des rois, princes et valets font assaut de frivolité sur la scène dudit "bahut", à l'intérieur de celui-ci, des automates actionnent poulies et rouages pour le bon fonctionnement d'une société digne de "Métropolis".
Evidemment, il est conseillé de ne plus trop sucer son pouce pour apprécier toutes les subtilités des marionnettes chinoises inventées également par Jean-Baptiste Manessier et manipulées avec délicatesse et précision par Gregoire Callies et Marie Vitez.
Entre de si bonnes mains, la pièce de Georg Buchner résonne de mille échos modernes. Elle gagne en clarté, en efficacité, en poésie. Qu'elle ne soit pas incarnée par des personnages de chair et d'os permet d'accepter les mièvreries ou les naïvetés qui la parsèment.
On peut dire que le théâtre de marionnettes, tel que le conçoit Gregoire Callies, allie deux éléments qui feraient plutôt bondir aujourd'hui : le poétique et le politique... Sans concession, aussi doux qu'explosif, ce spectacle pour vrais grands a raison de partir en fumée : il appartient totalement au domaine du rêve et il a bien raison de le revendiquer. |