Pamphlet de Jacques Rebotier mis en scène par Francis Aïqui et interprété par Charlotte Arrighi de Casanova et Serge Lipszyc.

Si l'homme est un loup pour l'homme, seule espèce capable de s'autodétruire, il est aussi un loup pour le loup et toutes les espèces animales.

Postulat et constat que l'écrivain, poète et comédien Jacques Rebotier reprend à son compte de manière radicale dans un texte percutant intitulé à la manière des essais philosophiques "Contre les bêtes".

Car l'homme, qu'il nomme "omme", en supprimant le "h" d'une humanité perdue qui conduira à l'apocalypse, est devenu le PPDE, acronyme de "prédateur-premier-des-espèces", même s'il se défausse de ses turpitudes sur la fatalité et la suprématie de la gent humaine et invoque pour excuse absolutoire la cruauté du Créateur suprême.

De surcroît, les victimes ont bien mérité leur sort puisque non seulement elles sont encombrantes mais elles sont bêtes, bêtes comme, par exemple, les tortues de mer qui avalent les sacs plastique à la dérive en croyant qu'il s'agit de méduses.

Avec humour, gravité et, hélas, réalisme, même si parfois son traitement des faits bruts peut susciter, certes pour la bonne cause, la réserve d'instrumentalisation, il dénonce le cynisme de l'(h)omme dans son entreprise d'extermination du vivant qu'il érige en génocide délibéré tout en abordant, façon pêle-mêle, nombre de thématiques sociétales contemporaines du travail des enfants aux expérimentations génétiques.

L'écriture de ce conte burlesque dépourvu de happy end mais à la morale édifiante, qui combine la fulminance du pamphlet sur la profonde et vraie bêtise de l'(h)omme et la vibrance du plaidoyer pour la biodiversité, se caractérise par une surabondante inventivité linguistique et une musicalité syntaxique qui place Jacques Rebotier aux côtés de ses homologues générationnels Valère Novarina et Jean-Pierre Verheggen dans la catégorie des tritureurs de mots.

Dans la mise en scène de Francis Aïqui, ce texte est présenté sous forme d'une proposition théâtrale à deux voix inscrite dans le registre du théâtre du bouffon, ce fou du roi que sa fonction autorisait à tout dire, même la vérité la plus dérangeante.

Sur scène, des figures au visage blanc de clown tragique. Pour lui, Serge Lipszyc, le docte malin, redingote et tricorne élimés du Siècle des Lumières pour un siècle qui s'enfonce dans les ténèbres, pour elle, Charlotte Arrighi de Casanova, disciple et émule, chapeau melon, veste noire et robe de dentelle blanche, qui évoquent tant les Vladimir et Estragon de Beckett que le Jacques et son maître de Diderot.

Tous deux délivrent magistralement, et de manière enthousiasmante, cette partition logorrhéique qui constitue pour les comédiens, au-delà de la fête du verbe et de la jubilation masticatoire des mots, un exercice de haute voltige.