On le sait, Chelsea Wolfe, c’est la joie de vivre, mais très mesurée. Une espèce d’apologie de ce qui est beau et bon dans ce monde, en prêchant le faux comme autant d’évangile ténébreux.

Il faut dire que sous ses allures pseudo-gothiques, Chelsea Wolfe s’est décidée à offrir à sa voix un terrain de jeu plus apte à accueillir ses épanchements. Déjà sur Pain Is Beauty sorti en 2013, l’artiste laissait entendre une passion éloquente, bien souvent dissimulée sous des tas d’arrangements sonores mystico-gothiques.

Alors que Chelsea Wolfe est (étrangement) régulièrement rattachée aux scènes de black metal, la vérité de sa musique est tout autre sur Abyss. En effet, elle s’assoit sur un nouvel équilibre qui procède d’une harmonie entre les dissonances noise et les accents glacés, sinon acérés de son chant. Comprendre que les deux ingrédients ne s’opposent plus comme lors de ses projets précédants, et installent à la place, un jeu de questions-réponses.

De fait, malgré le glas sonné par le titre "Carrion Flowers" qui campe l’ouverture de l’album, Chelsea Wolfe déroule peu à peu une sensibilité aigue. Entre les balades folkloriques empruntées à un Thom Yorke ultra dépressif ("Crazy Love") et les développements industriels la marquant comme la fille cachée d’un Trent Reznor ("After the Fall"), l’artiste élargit son champ d’action.

C’est d’ailleurs une nouvelle fois en utilisant les oreilles de Ben Chisholm que Chelsea Wolfe agrandit son panorama sonique. Violence, froideur, sensibilité et développement éloquent tissent alors une trame épaisse, dont chaque brin devient peu à peu indissociable.

Pourtant, les profondeurs de "The Abyss" dissimulent un grand nombre de trésors : la froideur est en fait un écrin précieux et rutilant au sein duquel la voix de Chelsea Wolfe se love avec confort. Mieux encore, la violence personnifiée par les grosses caisses, les échos et autres sons curieux et difformes, s’apparentent en réalité à des débordements passionnés. Ne vous y trompez pas, Abyss déborde de vie.