Red & Black Light / Kalthoum
(Mister Productions) septembre 2015
"En Orient, une journée sans Oum Kalthoum n’aurait plus de couleur" (Omar Sharif)
La première fois que j’ai entendu parler d’Ibrahim Maalouf, c’était par son père Nassim alors que nous improvisions tous les deux lors d’une exposition autour de la trompette. Pour rappel, Nassim Maalouf est l’inventeur d’une trompette qui avec l’ajout d’un quatrième piston permet de jouer des quarts de ton, intervalles très présents dans la musique orientale. Bien sûr, il ne savait pas que quelques années plus tard, son fils participerait à pas mal de disques "pop" et "world" et remporterait pour son album hommage à Miles Davis une victoire de la musique jazz, puis pour Illusions, une Victoire de la Musique dans la catégorie Meilleur album de musiques du monde.
Des récompenses obtenues après avoir connu un prestigieux parcours classique conclu par différents prix internationaux (France, Hongrie, Finlande, USA), un diplôme du CNSM de Paris, et des collaborations au sein de nombreux orchestres symphoniques.
Le jeune trompettiste d’origine Libanaise est donc de retour (après un Illusions, album que l’on qualifiera gentiment de mi-figue mi-raisin, en tout cas bien moins intéressant que Wind, son disque hommage à Miles Davis ou sa trilogie Diasporas, Diachronism, Diagnostic) avec un double projet dédié aux femmes : Red & Black Light et Kalthoum.
Kalthoum, comme son l’indique, est un hommage à la diva Egyptienne Oum Kalthoum et célèbre les 40 ans de la disparition de l’astre de l’orient. Avec son quintette de prédilection : Franck Woeste au piano, Clarence Penn à la batterie, Marc Turner au saxophone et Larry Grenadier à la contrebasse, le trompettiste fait une relecture comme du velours et pas inintéressante du tout au départ, de la suite Alf Leila Wa Leila (Les Mille et une Nuits), composé par Baligh Hamidi et qu’Oum Kalthoum chanta en 1969. Malheureusement, le phrasé tout en nuances sinueuses devient rapidement redondant et l’enivrement oriental cède le pas à un ennui sucré.
On oubliera encore plus rapidement l’autre disque, Red & Black Light où Ibrahim Maalouf y rend également hommage aux femmes surtout "à la femme d’aujourd’hui et à son rôle fondateur et fondamental pour espérer un monde meilleur". On cherche encore où… Par contre, le musicien nous plonge entre Balkan et Klezmer mais "arrangé de manière à contourner le piège de l’élitisme, de manière à ce que jamais le poids de l’écriture ne se fasse entendre".
Grosso-modo, Maalouf prouve sa capacité à aplanir, à affadir. Quelle tristesse pour ce genre de musique pleine de folie rythmique notamment, que de tout gommer, de la faire rentrer dans le rang, surtout quand on joue avec des musiciens comme François Delporte à la guitare, Stéphane Galland aux percussions et Eric Legnini au(x) piano(s) ! On se fâchera en parlant des mélodies qui n’évitent aucun cliché ou poncif du genre, l’hilarant "Escape" en est un parfait exemple, ou qui flirtent avec un jazz world version pop sans âme. Ou plutôt faites pour être facilement assimilables, une sorte de jazz FM, sans trop de saveur, passe-partout, qui n’embêtera ni ne bousculera vraiment personne.
Dommage, quand on connaît toutes les qualités (technique et sonore) du trompettiste capable de faire bien mieux que cela… On se souviendra que, déjà au CNSM, Ibrahim Maalouf était plus attiré vers une carrière tournée vers le showbiz que vers les lumières tamisées des clubs de jazz, mais cela il ne faut pas trop le dire… On gardera tout de même la tête en haut en se disant que cela fait une belle publicité pour la trompette et en pensant à cette phrase de Godard : "mieux vaut voir un mauvais film américain qu'un mauvais film slovène"…
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