Monologue dramatique écrit et interprété par Cesare Capitani dans une mise en scène de Thierry Surace.
"Moi, Caravage", transposition théâtrale de la biographie fictionnelle du peintre Le Caravage écrite par Dominique Fernandez et parue sous le titre "La course à l'abîme", qui a connu un très mérité succès tant auprès de la critique que du public, a révélé en France Cesare Capitani, comédien et metteur en scène italien formé à l'Ecole du Piccolo Teatro de Milan.
Après cette cette immersion dans l'univers tourmenté du peintre sulfureux du Quatrocento, Cesare Capitani s'est passionné pour un de ses contemporains, une autre figure illustre du 16ème siècle italien, celle de Galileo Galilei, dit Galilée dont il a exploré la correspondance pour concevoir la partition monologale intitulée "L'Autre Galilée".
Et bien évidemment, ce n'est pas le fruit du hasard. En effet, tous deux présentent une personnalité inscrite dans la rébellion, la résistance, voire la provocation à une époque et dans un pays encore sous le joug du pouvoir théocratique, et de l'Inquisition romaine, son bras armé, et un goût immodéré pour la liberté individuelle de vivre et de croire en dehors des règles et des dogmes, ce qui constituent, pour le moins, des thématiques théâtrales fortes.
Pour privilégier l'approche sensible de l'homme qu'il privilégie à la figure du génie scientifique et ne pas le réduire à un personnage de théâtre, Cesare Capitani a exploré la correspondance de Galilée, révélatrice de son tempérament, pour concevoir une passionnante partition monologale qui, en premier, met en résonance, certains épisodes de sa vie au regard de ses traits de caractère, ce qui la distingue du biopic.
Ainsi, derrière le savant, apparaît un homme frondeur, orgueilleux et ambitieux, une ambition qui l'amène à composer et à intriguer auprès des puissants, ce qui s'avère indispensable en son temps pour obtenir charge rémunérée et protection, et peu enclin à assumer ses responsabilités dans sa vie privée.
Par ailleurs, elle s'attache à mettre en exergue le combat de Galilée contre l’obscurantisme et l'omnipotence du pouvoir religieux auquel il s'oppose de manière frontale à l'immobilisme des systèmes de pensée hérités de l'Antiquité qui lui servaient de fondement et l'instrumentalisation de textes considérés comme sacrés, ce qui lui vaudra excommunication pour hérésie, l'hérésie du mouvement de la terre, une condamnation dont il ne sera relevé qu'au 20ème siècle, et qui n'évitera le bûcher qu'au prix d'une abjuration publique.
Ce combat, qui demeure d'une confondante actualité, est illustré par son brillant argumentaire démonstratif s'appuyant sur le texte même de la Bible qui lui est opposé, le miracle de Josué qui arrêta le soleil, pour légitimer la théorie de l'héliocentrisme.
Pour la direction d'acteur, Thierry Surace a travaillé en symbiose avec la puissance de jeu du comédien pour l'accompagner dans un délicat processus d'évocation et d'incarnation qui s'épanouit, avec quelques ponctuations musicales de Antonio Catalfamo, dans une remarquable esthétique dramaturgique confortée par la scénographie épurée de Ségolène Denis, un kakémono de jute et quelques judicieux accessoires, ainsi des pommes deviennent planètes en orbite sur les branches d'un chandelier, et magnifiée par les lumières subtiles de Dorothée Lebrun.
Comédien émérite, passionné et subtil à la présence charismatique, Cesare Capitani réussit une exceptionnelle et fascinante prestation qui emporte le public à la rencontre d'un homme en résistance.
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