Pièce radiophonique de Israel Horovitz, mise en scène de Adrienne Ollé, avec Pierre-Edouard Bellanca, Laura Chétrit, Aurélien Gouas, Pierre Khorsand, Léa Marie-Saint Germain et Arnaud Perron (en alternance).
"Phone Tag" est à l'origine une pièce radiophonique d'Israël Horovitz écrite dans les années 1990 pour la BBC. La Compagnie des Aléas, dont Léa Marie-Saint-Germain est le fer de lance, a décidé de s'en emparer sur scène, après avoir déjà joué deux spectacles d'Horovitz, dont "Le Premier" en 2008.
Cette pièce, dont on a pu voir une excellente version aux Déchargeurs en mai 2015, a été énormément jouée, mais Horovitz considère que la Compagnie des Aléas en a tiré le meilleur parti. C'est pour cela qu'il est très présent pour soutenir les cinq comédiens et leur metteur en scène Adrienne Ollé dans leur tentative de monter "Phone Tag" sur les planches.
Pour réussir leur coup, ils ont eu la bonne idée de ne pas gommer l'origine du texte et, au contraire, d'en faire une espèce de "méta-personnage" avec lequel il ne faut pas cesser de composer pour que la pièce de théâtre prenne corps et ne déraille pas.
Ainsi, il y a une voix off chargée de remettre les comédiens dans le "droit" chemin quand ils n'y arrivent plus, quand la pièce radiophonique reprend ses droits. C'est le cas au début, où l'on est censé assister à une simple lecture de "Phone Tag", tapuscrit en mains des acteurs. Comme cela ne fonctionne pas puisqu'il y a plus de personnages que d'acteurs, s'installe une cacophonie qui s'achève par la décision de vraiment jouer la pièce.
Pour cela, il faut bien définir d'où l'on téléphone et à qui. Adrienne Ollé a donc imaginé que, de chaque côté de la scène, les personnages téléphonant ou "téléphoné" sont devant des grands carrés de carton de "taille humain" qui indiquent chez qui on est. Les acteurs devront les manipuler avec dextérité, les plier et les déplier en fonction de qui téléphone...
Ce dispositif pseudo-compliqué est, au contraire, d'une simplicité enfantine et propice à moult gags. Pièce sur le téléphone, pas encore totalement portable puisqu'on aura des carrés qui se déplieront sur une case "cabine téléphonique, "Phone Tag", montée ainsi par la Compagnie des Aléas, devient une mécanique irrésistible qui n'aurait pas déplu à Blake Edwards.
La pièce se suit très bien sans qu'on se préoccupe vraiment de son intrigue et de tout comprendre. Il faut dire qu'on est en confiance avec Israël Horovitz et qu'on suppose qu'il retombe toujours sur ses pattes, pas comme le pauvre chat d'un des personnages de "Phone Tag".
Petit à petit, même s'ils sont quelquefois réprimandés par la voix off deus ex machina, les acteurs s'enhardissent et utilisent d'autres appareils que le répondeur. Et - ô surprise! - l'arrivée de la vidéo, enregistrée ou en direct, ne nuit pas du tout au rythme effréné que toute la petite bande sait insuffler à la pièce d'Horovitz. Au contraire, elle ajoute des gags hilarants comme ce coup de fil passé dans une voiture sous la pluie avec des essuie-glace bien spéciaux.
Devant se démultiplier, le quintet utilise des perruques et des accents différents. De la vieille dame au copain nonchalant, il faudrait s'amuser à compter combien on aura eu de "téléphoneurs" sur scène. Mais le jeu principal consistera à découvrir ce que la guitare de Pierre-Edouard Bellanca interprète.
Car cette pièce radiophonique finit par devenir une véritable comédie musicale. S'y enchaînent les tubes pop ou folk liés à New York et Londres où l'action se déroule entre appartements et aéroports. On aura même un court instant, heureusement réprimé sévèrement par la voix-off, un extrait du "Douanier Rousseau" de la Compagnie Créole...
Pas la peine d'en dire plus. On aura compris qu'on s'amuse autant sur scène que dans la salle. On approuvera totalement Israël Horovitz qui, en présentant la pièce, affirmait qu'il ne tolèrerait aucune critique sur le travail effectué par la petite troupe composée de Laura Chetrit, Pierre Khorsand, Léa Marie-Saint Germain, Aurélien Goulas et Pierre-Edouard Bellanca. Reste à le féliciter lui aussi pour avoir permis à "Phone Tag" de prendre cette belle forme. |