Septuagénaire italo-américain et newyorkais dans l'âme à la filmographie impressionnante,
acteur, scénariste et réalisateur multi-récompensé, Martin Scorsese est à l'honneur à la Cinémathèque française.
Celle-ci accueille l'exposition sobrement intitulée "Scorsese", initiée par la Deutsche Kinemathek Museum for Film and Television de Berlin et les commissaires attachés Kristina Jaspers et Nils Warnecke, dont la monstration parisienne a été retravaillée avec Matthieu Orléan, conseiller artistique chargé des expositions à la Cinémathèque française.
Conçue notamment à partir de la collection personnelle du réalisateur, elle est ordonnée autour d'un parcours thématique qui ne ressort ni au biopic ni à l'anecdotisme mais résulte d'une analyse synthétique propice à une judicieuse appréhension du cinéma scorsesien à partir de son processus cinématographique.
De plus, la scénographie confiée à l'Atelier Maciej Fiszer est une réussite car elle est scandée par des panneaux inspirés des panneaux d'affichage qui font office de cartels et permettent les insertions photographiques à la manière de l'affiche de cinéma et par de nombreux écrans vidéos grand format.
Ce qui crée une ambiance immersive résolument urbaine saturée de lumières et d'images et la structure en chicane resserre l'espace de déambulation pour les visiteurs qui évoquent le flot humain des mégapoles.
Scorsese, "le désir de placer une image après l’autre et de les regarder bouger"
L'exposition se développe en cinq parties en résonance avec les deux grandes étapes cinématographiques que sont l'écriture du scénario ("De nouveaux héros", "Crucifixion", "Au coeur de New York" et "Inspirations") et la réalisation ("Maestria" avec filmer, miser et monter) qui, en l'espèce, de manière pertinente et passionnante les spécificités de son processus créatif et filmique. Ainsi sont décryptés les fondamentaux scorcesiens liés aux valeurs et aux schémas transmis et acquis lors de l'enfance dans la "Little Italy" de New York.
Et avec une intégration culturelle construite sur des bases identitaires héréditaires fortes, une famille d'origine sicilienne catholique et patriarcale, et la confrontation avec l'univers de la rue et ses codes claniques.
Ce qui éclaire ce cinéma d'hommes vus sous l'angle de leur destinée tragique soumise à la culpabilité judéo-chrétienne, celle du péché originel, en quête de rédemption qui s'insère dans l’histoire d'une ville que Scorsese ne cesse de tracer l'évolution métamorphique.
Sur le site de la Cinémathèque française, une carte interactive resitue les décors de ses films et permet de découvrir le New York de Martin Scorsese qui participe également à la mythologie newyorkaise.
La présentation privilégie de nombreuses archives scénaristiques permet de prendre la mesure du long processus d'élaboration conceptuelle, avec notamment la pratique méticuleuse du story-board chère à un maître du cinéma, et son maître, Alfred Hitchcock, qui ne laisse rien au hasard en encadrant le tournage et anticipant sur le montage.
Pour le cinéphile qu'est Scorsese, Hitchckok, à qui il a consacré son travail de fin d'études et sa première oeuvre, "The Big Shave" tiurné en 1967, figure au sommet du panthéon du 7ème art.
A ne pas rater, projeté dans un sas transitionnel, le court métrage "La clé de la réserve" réalisé "à la manière de" en 2007 par Scorsese, avec Simon Baker dans le rôle du héros, à partir d'un projet de scénario inabouti de Hitchock figurant sur quelques feuillets incomplets.
Au demeurant, cette admiration le conduit s'entourer des collaborateurs tels le compositeur Bernard Herrmann, le chef décorateur Henry Bumstead et de Saul Bass pour les génériques.
Car la virtuosité unanimement louée de la forme du cinéma de Scorsese est également liée à la fédération de talents techniques, notamment des directeurs de la photographie tels Michael Ballhaus et Robert Richardson, et, surtout, de Thelma Schoonmaker qui assure le montage de tous ses films.
Par ailleurs, la Gare de Lyon présente, le long de la Salle des Fresques, une série de photos de plateau prises sur les derniers tournages par Brigitte Lacombea photographe attitrée de Scorsese.
Enfin, l'exposition est doublée par une rétrospective de l'intégralité de la production du cinéaste, des courts aux longs métrages, en passant par les documentaires et les séries télévisées. |